L’Afrique est-elle en voie de développement durable ? (Indicateur N°2006-4)

Le dernier numéro de notre publication « Indicateurs pour un Développement Durable » – voir fichier joint, au format PDF – est consacré au (non)développement de l’Afrique subsaharienne.

Après des décennies d’efforts, le développement de l’Afrique subsaharienne reste lent, irrégulier, parfois même négatif ou alors sans garantie de durabilité.
Dans ce contexte, l’étude de Jean-Paul LEDANT examine quelques faits statistiques majeurs, issus de données récentes, pour dégager une vision synoptique de la problématique de développement en Afrique. Cette analyse part du postulat que l’Indicateur de Développement Humain (IDH) est la meilleure mesure de ce que, au travers de la finalité de développement durable, l’on souhaite maximaliser dans la durée.

Trois constats majeurs :

1. L’IDH est plus bas en Afrique subsaharienne que partout ailleurs : 0,515 en moyenne (contre 0,911 dans les pays à hauts revenus). Les écarts sont néanmoins importants, entre le minimum mondial qui caractérise le Niger (0,281) et le niveau des Seychelles (0,821), qui dépasse celui de tous les pays d’Afrique du Nord et des moins prospères d’Europe. La géographie semble jouer un rôle : à première vue, la proximité de la mer et, quand elle n’est pas source de conflits, la
dotation en ressources naturelles semblent donc représenter des facteurs favorables, qui pourraient jouer à travers les exportations. On observe en effet une corrélation positive entre l’IDH et les exportations.
2. Parmi les trois composantes de l’IDH, c’est le taux d’alphabétisation des adultes qui a le plus évolué globalement en Afrique subsaharienne : il est monté de 51,1% en 1990 à 61,3% en 2003, tandis que la croissance économique moyenne n’a été que de 0,1%/an (depuis 1990 après avoir été négative), et celle de l’espérance de vie de 4 mois seulement en trente ans. Au niveau de l’Afrique subsaharienne, l’IDH moyen serait donc en hausse sous l’effet quasi exclusif d’un progrès de l’éducation. Mais ici encore, les disparités entre pays sont importantes. Bien que le PNB soit pris en compte dans le calcul de l’IDH, le coefficient de corrélation entre croissance et IDH est de 0,46 seulement, ce qui souligne encore le
poids des facteurs sociaux (santé et éducation) et met en évidence l’heureuse possibilité d’améliorer le bien-être humain par d’autres biais que la croissance économique et les pressions environnementales qui lui sont associées.

3. La durabilité semble menacée de deux côtés, sans compter l’épidémie de sida.

3.1 En matière de ressources, une majorité de pays d’Afrique subsaharienne (35 sur 46) bénéficient d’une rente liée à l’exploitation non durable des ressources naturelles. Ces pays tirent donc une part de leurs revenus d’une décapitalisation de ce patrimoine. Parmi eux une majorité présentent une épargne véritable négative, c.-à -d. qu’ils ne compensent pas cette perte par d’autres formes de capitalisation. Comme l’épuisement des ressources est d’autant plus rémunérateur qu’il est rapide, il est à craindre que les gouvernements de ces pays (et même leurs partenaires de développement) ne soient incités à poursuivre dans cette impasse. Le peu d’investissement des rentes pétrolières et minières suggère en tout cas qu’une hausse des revenus externes n’est pas nécessairement propice au développement au sens d’accumulation des
capacités productives . Et, malheureusement, tout porte à croire que de tels processus de décapitalisation (donc en fait de développement négatif) soient en réalité bien plus répandus encore que ne le suggèrent ces statistiques.

3.1 En matière de changement climatique, la menace principale est exogène, issue des pays développés gros émetteurs de gaz à effet de serre. Malgré cela, l’Afrique participe à la dynamique mondiale. Pour une grande part, les processus de dégradation ou de réduction des ressources évoqués ci-dessus contribuent à la déséquestration de carbone (exploitation du pétrole, déboisement, minéralisation des sols). Les exportations jouent également un rôle par le transport à distance, avec un rapport entre le bénéfice économique du pays exportateur et les externalités environnementales d’autant plus médiocre qu’elles portent sur des produits de faible valeur pondérale.

Conclusions:

Du point de vue du développement durable, il s’agirait donc de combiner (notamment) les trois objectifs suivants :
* Un développement humain effectif (IDH en croissance) ;
* Une accumulation de capital productif disponible par habitant (ressources naturelles comprises) ;
* Un ralentissement de l’accumulation globale de gaz à effet de serre et la préparation aux changements climatiques.

Ceci implique :
* Des revenus plus élevés : meilleure rémunération des exportations (diversification, prix plus élevés), meilleure productivité de l’économie vivrière, allègement ou annulation de la dette et appuis budgétaires, stratégies de développement axées sur l’apport de valeur ajoutée locale (« industrialisation ») et, pourquoi pas, rémunération
des services écologiques rendus (conservation de la biodiversité, séquestration de carbone) ;
* Un usage de ces revenus plus efficient (en termes de revenus mais aussi de consommations émettrices de CO2 ), tourné vers des investissements socialement productifs et les consommations favorables à l’IDH (notamment les dépenses d’éducation et de santé), plutôt qu’affecté à des dépenses de luxe, de prestige, d’armement,… ou à des
investissements visant l’extraction de ressources naturelles ;
* Une croissance contrôlée de la population, pour moins de pressions sur les ressources naturelles et une meilleure proportionnalité entre ressources et population ;
* Moins d’accumulation de gaz à effet de serre issus du reste du monde (pays développés et en croissance).

One Response to “L’Afrique est-elle en voie de développement durable ? (Indicateur N°2006-4)”

  1. DE POTTER Jean dit :

    Bonjour,

    Cette question m’intéresse, faisant suite à mon ouvrage sur La Terre Nourricière, qui va sortir en fin mai prochain, car cette Afrique Sahélienne sera à l’avenir très précieuse pour des produits vivriers et fruitiers.

    Cependant, il faudra enrayer l’extension de l’élevage de chèvres, car il contribue nettement à enrayer le reboisement indispensable à la lutte contre l’extension des déserts, et en le remplaçant par celui de l’âne, qui sert en bête de transport et surtout pour leur lait le plus proche du lait maternel humain.

    En vous remerciant de votre bienveillante attention, recevez mes salutations distinguées.

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