Manger ou Conduire ? Faudra-t-il choisir ?

Avons-nous mangé notre pain blanc ? Quelques données et réflexions sur les prix alimentaires et les agrocarburants (Ph. Defeyt)

Les agrocarburants suscitent de plus en plus de questions, notamment sur leur durabilité agricole (par exemple : la production des matières premières comme le maïs ou le blé nécessite beaucoup d’eau) ou leurs impacts sur la santé8. Leur impact sur l’alimentation mondiale élargit le questionnement aux aspects sociaux. Si certes les pauvres des pays moins développés risquent de payer cher la frénésie routière, chez eux comme chez nous, les ménages précaires dans nos pays verront leur existence quotidienne se compliquer encore. Les évidences s’accumulent : l’attrait croissant pour les agrocarburants actuels pousse / contribue à pousser à la hausse les cours des productions alimentaires. « Boire ou conduire »,« manger ou conduire », certains, en tout cas, paieront pour ceux qui ont et continueront à avoir les moyens de conduire. L’engouement pour les agrocarburants doit par conséquent être réévalué également à la lumière de considérations sociales. La baisse historique de la part des dépenses alimentaires dans la consommation des ménages
est derrière nous. Ce qui s’annonce c’est plutôt une hausse de cette part. Ceci dit, les prix agricoles étaient tombés trop bas pour assurer un revenu correct à de nombreux agriculteurs d’ici et d’ailleurs et une qualité de production écologiquement soutenable. Mais changer cet état de fait doit se faire en préservant les intérêts de tous et en protégeant
les personnes et ménages précaires, non par un développement débridé d’agrocarburants dont les débouchés sont assurés par la croissance de la mobilité.

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2 Responses to “Manger ou Conduire ? Faudra-t-il choisir ?”

  1. Jean-Paul Ledant dit :

    C’est fort intéressant. Cependant pour moi la hausse des prix alimentaires ne suffit pas à discréditer les biocarburants en soi. Les prix alimentaires bas vont de paire avec un pétrole abondant et peu coûteux (donc avec le changement climatique), ainsi qu’avec le dumping agricole pratiqué par les pays riches au détriment des prix payés aux producteurs du Sud (donc avec une grande part de la pauvreté et de la disette alimentaire dans le Sud). Je pense qu’une société plus écologique et plus juste est une société qui passe plus de temps de travail à l’agriculture, donc où l’agriculture reprend une plus grande part de la production totale, et où donc un nombre élevé de personnes travaillent dans l’agriculture avec une rémunération décente. De ce point de vue on peut se réjouir si certains paysans trouvent, dans les biocarburants, de nouveaux débouchés économiques et que par différence avec le pétrole les biocarbutants se prêtent à une production dispersée entre de nombreux agriculteurs. Bien sûr les prix alimentaires bas profitent aux populations urbaines pauvres (plus redoutables pour les élites que les populations rurales aussi affamées soient-elles) mais ils en augmentent aussi le nombre en amplifiant l’exode rural et l’urbanisation (avec ses multiples problèmes). Bref je trouve que ce n’est pas si simple que cela. Très globalement parlant, il va de soi me semble-t-il que si l’on respecte les contraintes de la planète, on s’impose des contraintes sur la production, on réduit donc l’offre globale de richesses, et expose les plus vulnérables à plus de pauvreté tant qu’on ne change pas les modes de répartition des richesses. Les conséquences négatives de la croissance des biocarburants résultent aussi du contexte dans lequel celle-ci se fait, et de la façon de faire. On ne s’attend pas à ce que le développement des biocarburants aux USA à des fins d’indépendance énergétique et de soutien à un certain agribusiness soit conçue avec un souci explicite des consommateurs mexicains de tortillas…

  2. pm.boulanger dit :

    OK, mais le problème réside en ceci que la production des matières
    premières pour les agrocarburants concerne très peu les petites
    exploitations familiales et beaucoup les grandes fermes agro-industrielles.
    Dans les conditions actuelles, je ne vois pas pourquoi la production
    d’agrocarburants aurait des retombées plus positives pour les petits
    producteurs du Sud que les autres cultures de rente n’en ont eu dans le
    passé (et encore aujourd’hui). Et, pour ce qui est de nos pays, ce ne sont
    pas non plus les petits agriculteurs-éleveurs qui vont bénéficier de ces
    nouveaux débouchés mais les grosses exploitations céréalières et
    betteravières qui ont lobbyé intensément pour obtenir très rapidement une
    compensation aux pertes de revenu consécutives aux changements intervenus dans la PAC (notamment pour la production sucrière).

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