La baisse de la TVA dans l’HORECA : les 6.000 emplois promis ne sont pas, loin de là , au rendez-vous

Comme dans d’autres pays, le secteur HORECA en Belgique était demandeur depuis longtemps d’une baisse de la TVA. Après de longs atermoiements, l’Union européenne a ouvert cette possibilité en mars 2010 aux Etats membres qui le souhaitent. La France a baissé le taux de TVA de 19,6 à 5,5% dès le 1er juillet 2009. Alors qu’au départ le secteur et le Ministre des finances Didier Reynders étaient favorables à une baisse de 21 à 6%, le gouvernement décidait le 13 novembre 2009 d’abaisser la TVA à 12% pour les services de restaurant et de restauration, à l’exclusion de la fourniture de boissons.

Le coût brut (à savoir sans effet de retour) de cette mesure a été estimée à 292 millions par le Ministre des finances sans qu’on ne dispose, semble-t-il, d’un document officiel détaillant cette estimation. La baisse de la TVA a 12% a été accompagnée de (mirifiques) promesses du secteur : augmentation de l’emploi d’environ 6.000 unités et début d’assainissement des pratiques frauduleuses. Le secteur comme le Ministre des finances ont tenu à préciser qu’il faudrait une réduction des taux à 6% pour bénéficier en plus de réductions des prix et d’une baisse significative du « noir ».

Cette mesure devait être évaluée en octobre 2010 pour voir si elle pouvait être prolongée et, le cas échéant, prendre la décision de baisser le taux à 6%. Cette évaluation n’a pas eu lieu (NB : si elle a eu lieu aucun résultat n’a été rendu public). A propos de cette évaluation, le Ministre des finances avait déclaré (par prudence ?) : « Si au bout d’un an la moitié des emplois promis sont créés, on pourra dire que le système est très rentable et descendre la TVA à 6%. »

La dernière étude de l’Institut pour un Développement Durable essaie de voir dans quelle mesure les promesses en matière d’emploi ont été rencontrées.
Un examen attentif des données disponibles montre que la promesse de 6.000 emplois – en plus- n’est pas et ne sera pas rencontrée de si tôt. On en est même loin. Mais ce n’est pas vraiment une surprise pour quiconque a évalué l’expérience française et connaît quelque peu le secteur.Même l’objectif plus modeste avancé par le Ministre des Finances (« Si au bout d’un an la moitié des emplois promis sont créés…) n’est pas atteint et ne le sera pas, même avec un an de retard.

Certes, l’emploi salarié a augmenté d’environ 5.000 unités dans l’HORECA entre 2009 et 2011. Mais ce serait une faute méthodologique ou — il faut s’attendre à tout — une malhonnêteté intellectuelle d’attribuer cette augmentation à la baisse de la TVA. Pour trois raisons :
* Une partie de cette hausse est tout simplement un rattrapage du recul conjoncturel enregistré en 2008-2009 ;
* une part (probablement plus minime) de l’augmentation de l’emploi est attribuable à d’autres sous-secteurs que la restauration ;
* mais, surtout, cette augmentation est, pour l’essentiel, le résultat du développement sectoriel « normal » observé longtemps ; autrement dit: ce sont des emplois qui auraient de toute manière été créés.
l n’est pas impossible qu’il y ait eu des créations d’emplois supplémentaires. Mais on peut supposer, si c’était le cas, qu’elles sont liées bien plus au plan win-win qu’à la baisse de la TVA.Non content de bénéficier de la baisse de la TVA, le secteur HORECA a en effet également profité — plus que la moyenne des secteurs — des programmes d’activation, en particulier du programme win-win. C’est ainsi que j’estime qu’en 2011 le secteur HORECA n’aura créé aucun emploi autre que des emplois « activés », c’est-à -dire des emplois dont une partie importante du coût est à charge de la collectivité.

On peut estimer le coût pour l’ONEM des emplois activés dans l’HORECA à environ 40 millions EUR en 2011, coût auquel il faut ajouter celui des réductions de cotisations sociales liées aux emplois activés.

Le tableau ci-après détaille l’évolution de l’emploi salarié dans le secteur HORECA entre 2008 et 2011.

 

2008 2009 2010 2011(e)
Emploi salarié total 109.600 109.500 112.000 114.000
Emplois « activés » 2.986 2.777 3.958 6.404
En % de l’emploi total 2,7% 2,5% 3,5% 5,6%

Deux conclusions politiques s’imposent :

1. Une fois de plus une politique relativement coûteuse n’est pas évaluée. Imposée de manière démagogique cette mesure a été et semble devoir être prolongée sans débat. On peut faire mieux en période de difficultés budgétaires. Il en va de même du Plan win-win pour lequel aucune évaluation rigoureuse n’est semble-t-il envisagée.
2. Il est peut-être temps de s’interroger sur le cumul d’aides à l’emploi. Est-il normal que le secteur HORECA ait bénéficié à la fois de la baisse de la TVA et d’une abondante utilisation du dispositif win-win ? Une question identique se pose d’ailleurs pour le secteur des titres-services. En France au moins on a supprimé d’autres aides quand la TVA dans la restauration est passée à 5,5%.

Le lecteur intéressé trouvera plus de précisions dans la note jointe.

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