DES INDICATEURS DE PRÉCARITÉ SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL

S’il y a un sentiment largement partagé aujourd’hui à propos du marché du travail c’est que la précarité y augmente.

La dernière note de l’Institut pour un Développement Durable a pour objet d’examiner de plus près deux indicateurs de cette précarité, à savoir la proportion d’emplois temporaires et le travail à temps partiel. Elle examine aussi un 3ème indicateur, à savoir la proportion de travailleurs ayant un deuxième travail.

Il s’agit bien d’indicateurs, en ce que ni un emploi temporaire ni un emploi à temps partiel ne sont automatiquement et pour tou(te)s sources de précarité, pas plus que le fait d’effectuer un 2ème travail n’est nécessairement la conséquence d’une situation précaire. Mais un emploi à temps partiel ou un contrat temporaire peuvent rendre la situation de certains travailleurs plus compliquée, plus fragile. Par exemple un contrat précaire rend l’obtention d’un crédit bancaire plus difficile. Il rend également plus difficiles certains choix de vie. Un contrat à temps partiel se révèle un piège pour une femme qui est quittée par son mari/compagnon, surtout si elle a un ou plusieurs enfant(s) à charge. On sait que le travail à temps partiel augmente le risque d’être sous le seuil de pauvreté, en particulier quand il y a des enfants à charge.

On rappellera quand même – même si cela va de soi – que le principal risque de précarité sur le marché du travail est d’être chômeur. Les chômeurs ont un risque de pauvreté 7 fois supérieur à celui des travailleurs et environ deux fois supérieur à celui de la moyenne de la population.

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Quels sont les principaux constats de l’Institut pour un Développement Durable?

En ce qui concerne les emplois temporaires :

  • en Belgique, la proportion d’emplois (salariés) temporaires (8,2% en 2009) est inférieure à la moyenne européenne (13,5%) ;
  • le taux d’emplois temporaires est passé, entre 1983 et 2009, de 5,4 à 8,2% de la population des salariés, après avoir atteint un maximum en l’an 2000 ;
  • la proportion d’emplois temporaires a en effet reculé entre 2000 et 2009 et ce malgré la montée en puissance de l’intérim ;
  • en absolu, le nombre de travailleurs concernés a plus que doublé, passant de 150.000 à 310.000 ;
  • entre 1992 et 2000 on constate qu’il y a une forte chute de la durée moyenne des contrats, durée qui se stabilise par après ;

La proportion d’emplois temporaires

  1. est plus élevée pour les salariés faiblement qualifiés ;
  2. est significativement plus élevée pour les moins de 25 ans (la proportion des emplois précaires a plus que doublé chez les jeunes entre 1983 et 2009).

En ce qui concerne le travail à temps partiel :

On sait à cet égard que :

  1. la proportion de salariées à temps partiel a très fort augmenté au cours des 25 dernières années pour atteindre aujourd’hui quasiment 50% ;
  2. la proportion de salariées à temps partiel est très variable en fonction de la catégorie professionnelle et du diplôme le plus important obtenu : elle diminue quand on « monte » dans l’échelle des professions et de niveau du diplôme ;
  3. le temps de travail moyen des personnes prestant à temps partiel est passé d’environ 20 heures à 24 heures semaine au cours des 25 dernières années.

Le principal enseignement de l’étude de l’Institut pour un Développement Durable est ici de montrer que

  • la proportion de femmes exerçant à temps partiel est d’autant plus importante que le secteur est un secteur à faibles salaires ;
  • le temps de travail moyen des femmes travaillant à temps partiel est d’autant plus faible que le secteur est un secteur à faibles salaires.
  • Double discrimination donc. Par exemple, une femme salariée à temps partiel dans le secteur de l’énergie travaillera plus d’heures (environ 30 hrs/semaine) que la moyenne pour un salaire horaire supérieur de 44% à la moyenne et une salariée à temps partiel dans le secteur HORECA travaillera moins d’heures (environ 20 hrs/semaine) pour un salaire horaire inférieur de 40% à la moyenne.

En ce qui concerne l’exercice d’un deuxième travail :

  • la proportion de personnes déclarant exercer un deuxième travail a doublé en une vingtaine d’années, passant de 2 à 4% de l’emploi total ;
  • cette proportion a surtout augmenté au cours des années 90 ;
  • en 2009, 175.000 personnes ont déclaré exercer un deuxième travail ;

Les données rassemblées par l’Institut pour un Développement Durable permettent de constater que la proportion de travailleurs qui déclarent exercer un 2ème travail

  1. est plus élevée pour les professions intellectuelles et scientifiques que pour les manœuvres (proportion deux fois plus élevée) ;
  2. est plus de deux fois plus élevée pour les travailleurs ayant fait des études supérieures que pour ceux qui n’ont pas été plus loin que le secondaire inférieur.

Tout ceci conduit à émettre l’hypothèse que la précarité n’est probablement pas le moteur principal pour prendre un deuxième travail.

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Les femmes sont (plus) souvent pénalisées sur le marché du travail. Il en va de même avec les indicateurs de précarité retenus :

  1. elles ont plus souvent que les hommes un emploi temporaire, en particulier pour les femmes faiblement qualifiées et les jeunes femmes ;
  2. elles travaillent beaucoup à temps partiel et celles qui ont le moins d’heures de travail sont en moyenne celles qui gagnent le moins à l’heure ;
  3. elles ont moins souvent que les hommes l’occasion d’exercer un 2ème travail.

Ces diverses observations sont développées et étayées dans la note jointe. A télécharger ICI.

Philippe Defeyt

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