Au-delà d’un certain niveau de réduction du coût salarial n’y a-t-il pas « concurrence » entre deux objectifs également prisés par les partis politiques : la création d’emplois (durables) et le financement de la sécurité sociale ?
Cette interrogation trouve son origine dans trois faits récents :
1° Une récente étude flamande qui rappelle le coût élevé des créations
d’emplois via les titres-services.
2° La décision d’une commune wallonne de remplacer 8 agents PTP (Programmes de Transition Professionnelle) par 16 agents Win-Win. Il y a certes ici création nette d’emplois, mais au détriment des finances de la sécurité sociale puisque les Win-Win bénéficient d’une double aide : activation salariale et cotisations sociales réduites de 1.000 €/mois.
3° Un récent article de presse faisant état de ce que 5 gardiens de la paix perdaient leur emploi. « P. W., 43 ans, a appris qu’elle ne faisait plus partie du service des Gardiens de la Paix de Huy. Motif :
elle travaille depuis plus de 5 ans et ne peut plus bénéficier des subsides octroyés par l’État. 4 autres de ses collègues vont être dans la même situation. Ils sont en colère et soliÂdaires. Ils pensaient avoir un boulot stable et utile, leur rêve vient de s’écrouler. Sur les 16 travailleurs que compte le service des Gardiens de la Paix, 13 dépendent de subsides “Activa†octroyés par l’Etat fédéral. Après 5 ans d’ancienneté, le travailleur n’a plus droit à ces subÂsides. Raison pour laquelle P. W. a reçu un coup de fil du service du personnel de la ville de Huy, lui annonçant qu’elle perdait son job. »
Dans ce contexte, la dernière étude de l’Institut pour un Développement Durable se concentre sur l’évolution macroéconomique des cotisations sociales patronales en lien avec les créations d’emplois et élargit l’analyse au développement des systèmes de protection sociale privée.
Deux conclusions essentielles ressortent de cette étude :
1. Depuis 2002, les recettes nettes de sécurité sociale (cotisations patronales) par travailleur et par an ont baissé d’environ 360 €. Cette baisse n’a pas été compensée par une augmentation suffisante de l’emploi salarié pour assurer un financement en phase avec l’évolution des dépenses de sécurité sociale. On peut a minima émettre l’hypothèse que les créations d’emplois ne permettent plus
de garantir un financement suffisant de la sécurité sociale.
2. Par ailleurs, le handicap compétitif supposé du coût salarial n’a pas empêché les employeurs de développer, en termes absolus et en termes relatifs, des systèmes de protection sociale privée, dont on sait qu’ils sont moins équitables, parce que répartis de manière inégale entre secteurs et entre catégories de travailleurs. A la lecture des évolutions des composantes du coût salarial, on ne peut s’empêcher de penser que, pour partie au moins, le développement de systèmes de protection sociale privée a été financé par des aides publiques qui ont pour première préoccupation de soutenir l’emploi.
Dans un contexte de nécessaire rigueur budgétaire, une remise à plat des aides à l’emploi (réductions structurelles des cotisations sociales patronales et subsides à l’emploi financés par la sécurité sociale ou la fiscalité) s’impose à l’évidence. A la lumière de ces résultats, il faudra peut-être s’interroger aussi sur les calculs en matière de norme de croissance des salaires.
Philippe Defeyt
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