Le débat sur les pensions est incontestablement le débat socioéconomique phare de l’année 2010. Comme d’autres débats, il faut l’alimenter de données pertinentes. Or, à cet égard, on doit bien constater que toutes les données ne sont pas exploitées ou connues et que certaines évolutions sont plus rapides qu’on ne l’estime en général.
Sans prétendre faire le tour des informations disponibles, cette note a pour ambition de présenter et commenter quelques données et évolutions moins connues pour préparer au mieux les décisions qu’il faudra bien prendre. Voici les principales informations et conclusions contenues dans cette note.
1. La pension moyenne, si on tient compte des avantages extra-légaux et des cumuls non enregistrés par ailleurs, est aujourd’hui d’environ 1.200 €/mois (plus donc que le montant de 1.000 €/mois que beaucoup ont en tête). Le pouvoir d’achat de la pension moyenne a augmenté tendanciellement d’un pourcent par an depuis 1990.
2. Le montant moyen ne dit pas tout bien sûr. Il y a de grandes inégalités en matière de pensions (entre hommes et femmes, entre pensionnés du secteur public et les autres…). Environ 20% des pensionnés sont sous le seuil de pauvreté (plus de femmes que d’hommes, proportionnellement plus de pensionnés isolés que des ménages). La problématique des inégalités devrait prendre le pas sur le question de la pension moyenne.
3. Le temps de travail est mal distribué sur le cycle de vie. Un individu représentatif du comportement moyen consacre au travail – entre 18 et 75 ans – 11,0% de son temps total et 17,4% de son temps hors sommeil. Mais près de 85% du travail total est assuré par les 25-55 ans. Les 25-39 ans et les 40-55 ans consacrent donc proportionnellement beaucoup plus de leur temps au travail que les plus jeunes et les plus âgés.
4. Des tendances favorables apparaissent clairement sur le marché du travail des 55-65 ans : l’âge moyen de retrait de la vie active se situe désormais au niveau de la moyenne européenne (plus de 61 ans), le taux d’emploi des séniors est proche de 35%, venant de 22% en 1997… Ces évolutions n’ont pas grand chose à voir avec le pacte des générations : elles résultent pour l’essentiel de dynamiques sociodémographiques à l’oeuvre depuis longtemps.
5. Dans les années à venir, le vieillissement démographique ne sera pas d’un grand secours pour réduire le chômage. L’augmentation tendancielle de l’offre de travail – exprimée en heures de travail – des 55-64 ans suffira à faire correspondre la croissance de l’offre de travail (exprimée en heures) avec celle de la demande jusqu’en 2020 environ, sans pour autant faire travailler tous les travailleurs âgés jusqu’à 65 ans et en tenant compte de la plus grande proportion de travailleurs à temps partiel. Ces évolutions annoncent donc le maintien d’un chômage massif pour de nombreuses années encore.
6. Les évolutions et perspectives sur le marché du travail laissent supposer que la question des périodes assimilées (principalement en matière de chômage) et des périodes non ou insuffisamment assimilées (principalement en matière de prestations réduites) restera centrale dans la dynamique des pensions (en particulier en ce qui concerne les évolutions de la pension moyenne et des écarts entre les pensions des hommes et des femmes).
7. D’autres questions sont peu abordées. On pense en particulier à la question du mode de calcul de la pension et/ou des mécanismes fiscaux « correctifs » (éventuels) en fonction de la composition des ménages et des revenus.
8. Pour éclairer les décisions en prendre en matière de pensions, il importe
– de clarifier les champs d’analyse (parle-t-on des pensionnés en général ou des plus de 65 ans, des seules pensions publiques ou de l’ensemble des revenus des pensionnés, des personnes ou des ménages, etc. ?) ;
– mobiliser et exploiter plus et mieux les informations existantes ;
– suivre plus attentivement les dynamiques rapides qui se déploient sur le marché du travail des plus des 55 ans et essayer de les imaginer pour les années à venir (vont-elles se stabiliser, s’accélérer ou ralentir ? faut-il les encourager ou les décourager ?) ; par exemple : on constate une augmentation rapide de la proportion des 55-64 ans qui travaillent à temps partiel (les séniors sont aujourd’hui plus de 30% à travailler à temps partiel contre 23% dans l’ensemble de la population au travail) ; cette tendance va-t-elle se maintenir ? doit-elle être encouragée et, si oui, comment ?
Archive for avril, 2010
Eclairer le débat sur les pensions : une urgence!
mercredi, avril 28th, 2010Pourquoi le chômage n’augmente-t-il pas plus ?
jeudi, avril 8th, 2010Au vu de l’ampleur de la crise (PIB en recul de 3,1% en 2009), beaucoup craignaient le pire en matière de chômage. Les données officielles communiquées mensuellement par l’ONEM semblent pourtant ne pas justifier ces craintes (environ 30.000 chômeurs en plus à un an d’écart).
Mais le chômage évolue plus que ce qu’indiquent les données « officielles » de l’ONEM. L’augmentation du nombre de demandeurs d’emploi inoccupés (= définition du Bureau fédéral du Plan) est d’environ 20.000 unités supérieure à celle donnée par l’ONEM. Il semble aussi que l’évolution du chômage serait quelque peu gonflée encore si on devait ajouter les demandeurs d’emploi issus des CPAS et non répertoriés en tant que tels.
Malgré tout, même dans sa définition large, le chômage évolue moins que ce qu’on pouvait craindre. Deux explications à cela :
1. Un emploi qui résiste mieux que prévu.
2. Une évolution très faible de la population active (c’est-à -dire ceux qui se présentent sur le marché du travail).
Si l’emploi résiste mieux que prévu c’est grâce à :
– l’importance du recours au chômage partiel ;
– la progression des emplois liés aux titres-services, surtout en 2009 ;
– l’évolution rapide (en termes absolus et en termes relatifs) des emplois à temps partiel,expliquée principalement par la progression des titres-services et des personnes recourant au crédit-temps (réduction des prestations).
Ce serait surtout l’augmentation de la population estudiantine dans l’enseignement supérieur qui expliquerait (en bonne partie) la faible croissance de la population active entre 2008 et 2010. Celle-ci est aussi contenue par la progression marquée des « congés thématiques »,c’est-à -dire des travailleurs qui quittent totalement ou partiellement le marché du travail pour des raisons familiales.
Il n’en demeure pas moins que la Belgique enregistrera en 2010 un chômage global de l’ordre de 700.000 unités, sans tenir compte du chômage partiel et des demandeurs d’emplois issus des CPAS mais non répertoriés comme tels. Et le chômage devrait encore augmenter en 2011.
Ces évolutions sont détaillées dans la première note jointe en annexe.
La seconde note se penche brièvement sur les demandeurs d’emploi issus des CPAS wallons. La principale conclusion de cette note : Une prise en compte incomplète des demandeurs d’emploi issus des CPAS conduit à sous-estimer l’ampleur du chômage en Wallonie.
Philippe Defeyt
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