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Bonne lecture.
Ph. Defeyt
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La note de l’Institut pour un Développement Durable se concentre sur les 18-24 ans.
Au total, accorder des revenus d’intégration « étudiant« constitue probablement une charge financière et humaine supplémentaire pour le CPAS, mais qui s’inscrit dans sa mission de favoriser l’insertion des jeunes (et moins jeunes) en difficultés.
On ne soulignera jamais assez que l’octroi d’un revenu d’intégration « étudiant » dépend d’une décision discrétionnaire du conseil de l’action sociale. Certes, il y a des recours qui peuvent imposer l’octroi par une décision du tribunal ou de la cour du travail, mais ceux-ci sont relativement rares.
Qui dit décisions discrétionnaires donne à supposer qu’il peut y avoir des différences d’un CPAS à l’autre. Et c’est en effet le cas. Les écarts entre CPAS sont énormes, la proportion de jeunes aidés bénéficiant d’un revenu d’intégration « étudiant » s’étageant de 0% à plus de 80% des jeunes qui pourraient en bénéficier.
Le classement des CPAS en fonction du pourcentage de jeunes bénéficiant d’un revenu d’intégration « étudiant » (voir l’annexe) doit cependant être interprété avec prudence. Pour les raisons suivantes :
Ceci précisé, il n’en demeure pas moins que les écarts entre CPAS en matière de proportion de jeunes bénéficiant du revenu d’intégration « étudiant » ne peuvent être expliqués par ces seuls éléments.
On doit donc s’interroger ici sur deux points essentiels :
La communauté des CPAS et les ministres concernés doivent se saisir de cette question. L’autonomie locale ne peut justifier de telles différences de traitement entre des jeunes précaires en fonction du CPAS dont ils dépendent. Un débat politique est donc nécessaire ; il devrait, idéalement, s’appuyer sur une étude plus fouillée visant à déterminer les mécanismes explicatifs de telles différences.
Les points à mettre en débat sont ceux-ci :
Plus de données et explications dans la note jointe.
L’ Institut pour un Développement Durable rend aujourd’hui public un indicateur de l’évolution de la précarité en Wallonie.
2 indicateurs de précarité sociodémographique
et 4 indicateurs socioéconomiques
Voyons d’abord le résultat global. Tel que mesuré par l’ Institut pour un Développement Durable, l’indicateur de précarité est passé de 100 en 1999 à 120 en 2015. Comme on peut le voir sur le graphique ci-après, l’indicateur de précarité a évolué en trois phases : montée assez soutenue entre 1999 et 2006 (+16%), une modeste contraction entre 2006 et 2008 et, depuis 2008, une augmentation de 6,6% (avec une très léger recul en 2011)
Des résultats plus détaillés sont présentés dans les graphiques suivants. Quatre observations :
Pourquoi un tel indicateur ? Parce que l’indicateur européen de risque de pauvreté – l’étalon le plus utilisé aujourd’hui – est de moins en moins pertinent. Ses résultats semblent ne plus correspondre au vécu sur le terrain et à d’autres observations. La quasi-stabilité du taux de risque de pauvreté depuis plus de 10 ans apparaît ainsi en décalage par rapport aux données de fréquentation de nombreux services sociaux et aux contenus des témoignages et études qui indiquent qu’il y a de plus en plus de personnes en difficultés et que pour beaucoup les difficultés s’intensifient.
L’intuition à la base de cet exercice exploratoire est qu’il faut utiliser plutôt des indicateurs de précarité pour mieux coller aux évolutions objectives et/ou ressenties en matière de difficultés socio-économiques.
La précarité est un concept à multiples facettes et entrées. On peut néanmoins mettre en évidence plusieurs dimensions de ce concept :
La complexité de la réalité et l’étendue de la précarité dans nos sociétés doivent nous inciter à une grande prudence dans l’interprétation de l’indicateur de précarité. Ce n’est pas parce que l’indicateur construit « monte » – correspondant ainsi à une intuition et/ou une impression largement partagées que la précarité est orientée à la hausse et qu’on a donc envie d’y croire – qu’il est nécessairement pertinent et explicatif.
Si j’ai néanmoins décidé de publier ces premiers résultats c’est pour trois raisons principales :
Plus de données, analyses et commentaires dans la note jointe, en espérant que cette note permettra de ranimer le débat pour améliorer notre regard sur nos concitoyens précaires.
Les dernières Perspectives du Bureau fédéral du Plan annoncent que la Belgique n’atteindra pas son objectif, dans le cadre des hypothèses retenues en tout cas.
Dans un tel contexte il est tentant d’aller voir ce qui se passe dans d’autres pays, notamment pour y chercher des orientations politiques et des mesures opérationnelles qui sont supposées être plus efficaces et que la Belgique ferait donc bien d’adopter. L’Allemagne, les Pays-Bas et la Suède servent donc souvent de « modèles » à suivre.
Démarche intéressante, certes, mais qui doit peut être relativisée sur base du raisonnement suivant : toutes choses égales par ailleurs, un taux d’emploi identique n’a pas le même impact sur la soutenabilité de la protection sociale en fonction du salaire moyen et/ou du temps de travail moyen. Autrement dit encore, de manière plus directe, créer des emplois à temps (très) partiel et dont le salaire horaire est inférieur à la moyenne – ce qu’on appelle par exemple « minijobs » pour qualifier certains emplois créés en Allemagne depuis les réformes Harz – augmente certes le taux d’emploi mais n’accroît pas, à due concurrence, la capacité de financement de la protection sociale. Cette critique souligne en tout cas la relativité de l’objectif européen ; en caricaturant un pays pourrait satisfaire l’agenda européen en donnant quelques heures de travail, même mal payées, à chacun de ses citoyens.
Commençons par mesurer les taux d’emploi en équivalents temps plein pour déterminer ce que devient le classement européen des performances en matière de taux d’emploi. Cette approche n’est pas non plus sans faiblesse. C’est ainsi, par exemple, qu’il n’est nullement garanti que certaines heures de travail ne « disparaîtraient » pas si certains horaires et/ou certains types d’aménagement du temps de travail étaient rendus impossibles. Mais la comparaison des taux d’emploi mesurés classiquement et des taux d’emploi en équivalents temps plein peut permettre de comprendre mieux les spécificités des marchés du travail nationaux.
L’écart entre une mesure de l’emploi basée sur le nombre de travailleurs à une mesure de l’emploi en équivalents temps plein dépend de
– la proportion de travailleurs à temps partiel
– le temps de travail moyen de ceux-ci en pourcentage du temps de travail moyen d’un temps plein
– le nombre d’heures de travail accomplies par les travailleurs qui ont un second emploi.
En court, il s’agit de calculer – c’est un calcul purement mécanique – ce que serait l’emploi si toutes les heures de travail étaient prestées par des travailleurs à temps plein.
Les différences entre pays sont énormes :
– la proportion de travailleurs à temps partiel s’échelonne de 2,2% en Bulgarie à 46,9% aux Pays-Bas (Belgique : 24,1%)
– un temps partiel représente en moyenne 44% d’un temps plein à Chypre et 62,7% en Roumanie (Belgique : 56,2%)
– 8,9% des suédois ont un second emploi mais seulement 0,4% des bulgares (en Belgique : 4,1%)
– la part du volume d’heures de travail total assurée par ces emplois est néanmoins relativement modeste : le maximum – en Norvège – est de 2,9%, le minimum – en Bulgarie – est de 0,2% (en Belgique 1,2%).
A partir de ces différentes informations on peut calculer un taux d’emploi en équivalents temps-plein.
Observations essentielles :
– trois pays, souvent vus comme « bons élèves », sur lesquels les projecteurs se sont souvent braqués ces dernières années, à savoir l’Allemagne, les Pays-Bas et le Royaume-Uni, enregistrent un écart très important entre le taux d’emploi en nombre d’emplois et le taux d’emploi en équivalents temps plein très élevé, l’écart le plus important étant observé aux Pays-Bas (-14,5 % !) ;
– trois autres pays observent un écart supérieur important, à savoir l’Autriche, le Danemark et la Norvège ;
– ces six pays où l’écart est le plus important sont aussi ceux qui sont dans le haut du « classement » pour ce qui est du pourcentage de jobs salariés à horaire (très) faible (moins de 15 heures/semaine).
A partir de ces résultats, le tableau suivant classe les pays en fonction de leur performance sur chacune des mesures du taux d’emploi.
La persistance d’un chômage massif et structurel amène régulièrement divers acteurs (syndicats, universitaires, mouvements divers) à (re)mettre en avant des revendications en matière d’aménagement et de réduction du temps de travail.
La dernière note de l’Institut pour un Développement Durable a pour objectif d’éclairer le débat sur le temps de travail sur base d’une mise en perspective historique et de l’analyse de quelques enjeux de court et moyen termes.
1. Le temps de travail moyen 1955-2015
Le temps de travail moyen, indépendants et salariés confondus, est passé entre 1955 et 2015 d’environ 2.200 à environ 1.550 heures/an, soit une baisse de 650 heures par an. L’essentiel de la baisse a été acquis avant 1980.
L’allure générale de la courbe du temps de travail moyen des salariés est fort semblable. Le temps de travail moyen est passé d’un peu moins de 2.100 heures/an à un peu plus de 1.400 heures/an, soit ici aussi une baisse d’environ 650 heures/an (-31%). Par contre, pendant une vingtaine d’années (1990-2010), le temps de travail moyen a très peu bougé, comme le montre le graphique suivant.
Ces évolutions sont le résultat
– d’évolutions structurelles de l’activité économique
– d’évolutions socio-économiques, en particulier l’augmentation du pourcentage de travailleurs à temps partiel– des réductions conventionnelles du temps de travail.
2. Évolutions structurelles
Deux évolutions structurelles méritent d’être mises en évidence.
Le première concerne la baisse de la part des indépendants dans l’emploi total. Les travailleurs indépendants travaillant en moyenne plus que les salariés, ce recul contribue à expliquer la baisse du temps de travail moyen entre entre 1955 et 1980.
Il y a aussi les évolutions de la structure productive de l’économie. Deux exemples : la baisse de l’emploi agricole (où le temps de travail moyen est plus important) et la hausse de l’emploi dans les services (où l’emploi à temps partiel est plus répandu) ont contribué à réduire le temps de travail moyen.
3. L’emploi à temps partiel
Conséquence de nombreuses évolutions sociologiques et socio-économiques, dont la féminisation croissante de l’emploi, l’emploi à temps partiel a enregistré une croissance continue depuis les années 50 ; ce mouvement s’est accéléré à partir du début des années 80. Entre 1985 et 2015 la proportion de l’emploi salarié à temps partiel a triplé pour atteindre presque 30%.
L’impact de l’augmentation de la part des salariés à temps partiel sur le temps de travail moyen des salariés à été contrebalancé par la croissance – à partir du début des années 90 – du nombre moyen d’heures de travail presté par les travailleurs à temps partiel. Au cours des dernières années le temps de travail moyen des travailleurs à temps partiel en pourcentage de celui des travailleurs à temps plein s’est stabilisé.
4. La réduction conventionnelle du temps de travail
Les réductions conventionnelles du temps de travail ont bien sûr contribué, largement, à la baisse du temps de travail moyen des salariés, surtout avant 1980. La dernière grande avancée est le passage aux 38 heures/semaine au 1er janvier 2003.
5. Les perspectives à court et moyen termes
Comment va ou pourrait évoluer le temps de travail moyen dans les années à venir ?
A court terme ce sont les évolutions « spontanées » qui vont continuer à donner le la.
5.1. Les évolutions « spontanées »
Les créations d’emploi de ces dernières années se sont concentrées dans les secteurs à forte intensité de travail à temps réduit, augmentant ainsi le pourcentage de travailleurs à temps partiel. Cette évolution s’explique principalement par l’augmentation du nombre de travailleurs à temps partiel dans des secteurs comme la santé, l’action sociale et les titres-services.
On peut donc estimer que le potentiel de croissance des emplois salariés à temps partiel est comparativement réduit pour les années à venir, pour les raisons suivantes :
– restrictions attendues dans le secteur hospitalier
– moindre croissance de l’emploi dans le secteur des maisons de repos et de soins
– stabilisation progressive de l’emploi dans les titres-services
– diminution de l’emploi dans la fonction publique locale (où le travail à temps partiel est très répandu).
Par ailleurs, les données disponibles convergent pour indiquer une stabilisation du temps de travail moyen des salariés à temps partiel relativement au temps de travail des salariés à temps plein.
5.2. La législation pour aménager le temps de travail
De très nombreux salariés (secteurs public et privé) aménagent leur temps de travail avec le soutien de l’ONEM ; ils sont aujourd’hui 275.000 à bénéficier d’un tel soutien, soit environ 25% du nombre total de salariés à temps partiel.
Le nombre de travailleurs ainsi soutenus a quasiment quadruplé entre 2000 et 2015 avec, cependant, une relative stabilisation entre 2011 et 2014. On notera en particulier la montée en puissance des congés thématiques et, plus encore, des aménagements de fins de carrière.
C’est seulement avec le temps qu’on pourra déterminer si la suppression (intervenue au 1er janvier 2015) des allocations pour l’aménagement du temps de travail pour les personnes qui le font « sans motif » influencera le nombre de personnes qui recourent à ce système et la proportion de travailleurs à temps partiel.
La Commission de réforme des pensions 2020-2040 a remis en avril 2015 un Avis complémentaire sur les thèmes « Métiers pénibles, pension à temps partiel et flexibilité équitable dans le système de pension ». Elle y étudie, de manière approfondie, le système appelé « pension à temps partiel ». « Comme système de sortie, (estime la Commission), la pension à temps partiel est en principe plus logique et plus cohérente que les systèmes existants, tels le chômage avec complément d’entreprise ou les dispositifs d’aménagement des fins de carrière. »
« La Commission est consciente des problèmes techniques et administratifs qui vont de pair avec l’introduction d’une pension à temps partiel dans la législation existante en matière de pension. La Commission déconseille, pour des raisons administratives également, d’instaurer la pension à temps partiel dans les réglementations de pension actuelles », dans l’attente de l’instauration d’un système de pensions à points.
Admettons, mais alors que fait-on entretemps, d’autant plus que la population des travailleurs âgés augmente à un rythme soutenu et que le travail à temps partiel est très prisé par cette catégorie de salariés (plus d’un tiers des salariés y recourent) ?
La question mérite d’autant plus d’être posée que le nombre de travailleurs âgés (en « fin de carrière ») qui ont aménagé leur temps de travail avec le soutien de l’ONEM a marqué le pas au cours des années récentes, alors même que tout indique que de nombreux travailleurs manifestent un grand intérêt pour une prise de pension progressive.
5.3. Vers les 32 heures ?
Il y a de multiples projets dits de « partage du temps de travail ». Les « 32 heures » sont ici évoquées en référence au modèle dominant dans les débats de l’heure (même si les modalités peuvent varier d’une vision à l’autre).
Toute amélioration des conditions de travail (qu’elle passe par une baisse du temps de travail et/ou des augmentations salariales) dépend étroitement, toutes choses égales par ailleurs, des gains de productivité. A cet égard, ce n’est pas gagné, tant le constat est clair, confirmé par de nombreuses études : les gains de productivité, mesurés par l’évolution du rapport PIB/nombre d’heures de travail, sont de plus en plus « maigres ». Ils ont au cours des dernières années stagné entre 0 et 1%/an.
Avec ce niveau de gains de productivité, et sans changement de la répartition de la valeur ajoutée, on n’a même pas de quoi payer les augmentations salariales « au fil de l’eau » (ancienneté, promotions…).
Le noeud du débat se trouve bien sûr dans un double partage :
1° celui de la valeur ajoutée
2° celui des moyens budgétaires dont une partie est ou pourrait être réorientée vers des aides publiques, directes ou indirectes, à une réduction/partage du temps de travail.
La note de l’Institut pour un Développement Durable propose quelques indications chiffrées permettant d’éclairer le débat sur les 32 heures.
Un calcul mécanique de l’impact d’un passage aux 32 heures/semaine donne une création théorique d’environ 720.000 emplois. Mais ce calcul mécanique n’a pas beaucoup de sens. Si on fait, par exemple, la double hypothèse de gains de productivité de 5% de la réorganisation du travail suite au passage aux 32 heures et d’absence d’heures supplémentaires pour les nouveaux engagés, la création d’emplois serait d’environ 300.000 équivalents temps plein.
La concrétisation d’une éventuelle réduction généralisée du temps de travail devra tenir compte de ce que l’intensité du travail à temps partiel varie également en fonction de la taille de l’employeur. La plus grande intensité du travail à temps partiel observée dans les petites entreprises donne à penser que la réduction du temps de travail pourrait s’y concrétiser plus facilement sous la forme d’une augmentation du temps de travail de tout ou partie des travailleurs à temps partiel.
L’essentiel est de retenir qu’on ne peut se contenter de calculs mécaniques, comme nous le confirme d’ailleurs le bilan de l’expérience française des 35 heures : dans le secteur privé, l’attente en matière de créations nettes d’emplois était d’environ 700.000 pour un résultat final de 350.000 environ, résultat qui équivaut à plus ou moins 20% de l’estimation mécanique obtenue en appliquant le ratio 35/39 au volume d’emplois du secteur privé.
6. En guise de conclusion
Depuis la fin de la guerre, il y a eu deux grandes périodes en matière de temps de travail :
-la première, qui s’étale des années 50 aux années 80, connaît une forte réduction du temps de travail moyen, expliquée en grande partie, pour ce qui est des salariés, par une baisse continue du temps de travail conventionnel ;
– la seconde, qui démarre au milieu des années 80, est une période de quasi-stabilité du temps de travail moyen ; la durée conventionnelle du temps de travail ne bouge quasiment plus et la forte hausse du temps de travail à temps partiel (la proportion de salariés à temps partiel triple entre 1985 et 2015) est accompagnée par une augmentation régulière du temps de travail moyen des salariés à temps partiel.
L’augmentation du travail à temps partiel résulte en partie de choix individuels (soutenus par des politiques publiques visant à compenser, du moins en partie, la baisse des revenus) et en partie de décisions des employeurs (par exemple, beaucoup de salariés du secteur des titres-services n’ont pas vraiment de choix pour ce qui est du nombre d’heures de travail).
Tout indique que le « modèle » de cette seconde phase historique est en train de s’épuiser. La proportion des travailleurs à temps partiel devrait progressivement se stabiliser (un peu en deçà de 30%) de même que le temps de travail moyen de ces mêmes travailleurs (à environ 60% du temps de travail à temps plein). Par ailleurs, pour la première fois, des restrictions ont été apportées aux soutiens apportés par l’ONEM aux travailleurs qui réduisent leur temps de travail.
Difficile de dire quel est le « modèle » qui va émerger dans les années à venir. L’heure est certes plus à de nouveaux dispositifs où sont toujours activés des choix individuels (pension à temps partiel, compte épargne carrière) plutôt qu’une réduction généralisée du temps de travail. Mais cette préférence privilégie les choix individuels de travailleurs qui peuvent « se le permettre » au détriment d’une lutte contre le chômage massif et d’une réponse structurelle à la situation des travailleurs dont le temps de travail ne permet pas d’obtenir un revenu au moins égal au revenu d’intégration.
Plusieurs partis politiques, organisations syndicales et mouvements sociaux défendent l’idée d’une individualisation des prestations sociales et autres droits. La place (dans les discours, dans les programmes, dans les analyses et études) et l’intensité de la revendication peuvent varier dans le temps et en fonction des circonstances, mais elle existe depuis longtemps.
On ne s’étonnera pas de ce que les organisations de femmes sont à la pointe de ce combat. Elles ne sont pas les seules. D’autres, beaucoup d’autres, aussi portent cette revendication : associations de lutte contre la pauvreté, partis politiques, Fédération des CPAS wallons, etc.
Ces demandes s’appuient sur trois motivations essentielles, qui de facto se recouvrent plus ou moins :
1° arrêter de discriminer indirectement les femmes, elles qui sont déjà discriminées sur le marché du travail et dans la vie familiale (où elles portent souvent une (grande) partie des responsabilités familiales au détriment de leur autonomie économique) ;
2° revenir au principe assuranciel qui a fondé la sécurité sociale belge, mettant ainsi fin aux droits dérivés, inéquitables ;
3° assurer la neutralité de la (re)distribution des revenus devant les choix individuels de vie et donc éviter les contrôles, y compris physiques (contrôles au domicile), sur la vie privée des allocataires sociaux. Ce refus de contrôle(s) sur la vie privée (avec qui vis-je ?, quels sont les statuts et les revenus des personnes avec qui, le cas échéant, je vis ?, quelles sont les relations avec cette ou ces personnes ?…) est assez bien partagé, dans divers milieux. En outre, la cohabitation connaît des formes et des modalités de plus en plus diversifiées, changeantes, floues, qui rendent de toute manière les appréciations – telle personne est cohabitante, telle autre est isolée – de plus en plus difficiles, au risque de l’arbitraire, y compris dans les jugements des tribunaux et cours du travail.
Malgré la conviction forte des porteurs de cette revendication, il n’existe pas, à ma connaissance, de plan récent, public en tout cas, détaillant les modalités d’une individualisation des prestations sociales et en chiffrant le coût.
Ce n’est évidemment pas cette première livraison 2016 de l’Institut pour un Développement Durable qui va en une fois combler ce vide qui traduit à mes yeux la crainte, plus ou moins consciente, d’être confronté au réel. Toute personne qui connaît ne serait-ce qu’un peu la complexité de notre système de redistribution des revenus (où, notamment, interfèrent ou se juxtaposent des mécanismes fiscaux et sociaux), les évolutions intervenues au cours des dernières années (je pense par exemple à la mise en place d’une dégressivité renforcée des allocations de chômage), la prégnance de représentations, certes plus ou moins dépassées et idylliques, mais positives et fortes, de la famille et des solidarités intra-familiales, etc., doit se rendre compte que l’individualisation risque de coûter très cher et ne se mettra pas en place facilement, ni politiquement, ni législativement, ni sociologiquement. Pour d’autres, la frilosité pour « revenir à la charge » trouverait son explication dans la peur de donner du blé à moudre aux politiques d’austérité qui accentuent la pression sur les responsabilités individuelles.
Dans ce contexte, la note de l’Institut pour un Développement Durable souhaite simplement clarifier deux questions où règne souvent un certain flou ou en tout cas qui donnent lieu à des propositions différentes :
Cette clarification est indispensable si on veut pousser le projet au-delà de la simple affirmation d’une volonté de concrétiser un nouveau paradigme social (en fait, à certains égards, le retour à une situation antérieure) et en mesurer les implications budgétaires.
Quelles sont les grandes conclusions de l’analyse ?
– Augmenter les prestations sociales
– Garder les régimes d’assistance avec leur logique actuelle
– Introduire une allocation universelle.
Mais les avantages que je vois à la mise en place d’une allocation universelle pour résoudre les nœuds relevés ci-dessus dépendent évidemment des paramètres de la réforme proposée. Les voici :
Une allocation universelle ainsi conçue présente les avantages suivants par rapport à des formules d’individualisation telles que développées ci-dessus, en particulier si elle se limitent à une individualisation des seules allocations se sécurité sociale :
Le dispositif d’allocation universelle proposé ici ne jette pas à la poubelle ni la dimension assurancielle de la sécurité sociale, au contraire même elle la rétablit pleinement, ni la place des interlocuteurs sociaux dans la gestion des équilibres sociaux ; on pourrait dire de ce dispositif qu’il constitue une synthèse originale des approches bismarckienne et beveridgienne de la protection sociale, en supprimant les régimes d’assistance et en luttant plus efficacement contre la pauvreté des revenus.
Il faut individualiser tous les droits sociaux. La situation actuelle est intenable : il y a une trop grand écart entre le vécu quotidien de personnes en nombre croissant dont les formes de cohabitation ne correspondent plus aux schémas classiques et les règles qui président à l’octroi et à la fixation des montants des prestations sociales. La liberté, non négociable, effective et non formelle, des choix de vie privée doit enfin être concrétisée pour tous les citoyens.
L’allocation universelle est un moyen plus efficace, plus efficient et plus équitable d’y arriver qu’une individualisation des droits sociaux qui ne s’affranchirait pas de la distinction entre la sécurité sociale et les régimes d’assistance et resterait cantonnée à la sécurité sociale.
Plus de développements dans la note jointe.
Philippe Defeyt
En principe, les interlocuteurs sociaux, dans le cadre de la mission qui leur a été confiée par Kris Peeters, ministre fédéral de l’emploi, qui souhaite faire aboutir une réflexion sur le « travail faisable », discutent aussi des fins de carrière. En tout état de cause, la problématique des fins de carrière a été proposée à la négociation par les organisations syndicales. Dans ce contexte, la dernière note de l’Institut pour un Développement Durable vise à éclairer ce débat sur base de quelques indicateurs.
Premier constat : la place des 55-64 ans sur le marché du travail croît depuis le tournant du siècle. La part des 55-64 ans dans le total de la population active et le total des actifs occupés (= salariés + indépendants) a ainsi doublé, passant d’un peu plus de 6% à un peu plus de 13% depuis 2000. Rappelons ici que cette croissance est avant tout attribuable aux évolutions socio-démographiques même si des changements de législation (prépensions, âge de la retraite) ont vu leur impact augmenter au cours des années récentes.
La part des femmes dans le total des personnes âgées au travail est passée de 28% à 44% entre 1995 et 2014. En 2014, la part des femmes occupées chez les 55-64 ans (44%) est presque égale à celle dans l’ensemble des travailleurs, soit 47%.
Si on regarde de plus près les données récentes, que peut-on dire ?
1. Les 55-64 ans sont plus de 600.000 à avoir un emploi, dont pratiquement 500.000 salariés.
2. Les 3/4 environ des âgés avec un emploi ont entre 55 et 59 ans.
3. Le nombre de salariés âgés de 55 ou plus a augmenté de plus de 80.000 unités en 5 ans.
4. Le taux d’activité et le taux d’emploi des 55-59 ans est en train de rattraper très rapidement les taux d’activité et d’emploi de l’ensemble de la population en âge de travailler.
5. Néanmoins, cette « performance » est en partie attribuable à l’anémie du marché du travail global, qui peine à sortir de la longue crise débutée en 2008.
6. D’une manière générale les indicateurs pour les 60-64 ans s’améliorent – en termes relatifs – au moins autant que ceux des 55-59 ans mais les niveaux de départ sont très bas. En 2014 le taux d’emploi des 60-64 ans n’est que de 25% contre 60% pour les 55-59 ans.
7. Hors invalides, le taux d’inactivité des 55-59 ans est tombé de 31 à 23% en quelques années seulement, ce qui est remarquable.
8. Le nombre des invalides augmente régulièrement : +23.000 pour les 55-64 ans entre 2010 et 2014.
Si on classe les secteurs selon l’importance des 55-64 dans l’emploi salarié total, on peut constater que :
1. Le pourcentage de salariés âgés dans le total des salariés varie grandement d’un secteur à l’autre : entre 6 et 23%.
2. On ne s’étonnera pas des résultats du classement ; par exemple, le secteur des administrations publiques à presque 20% de ses effectifs qui ont entre 55 et 64 ans tandis que pour les activités informatiques ce pourcentage est de 6%.
3. L’importance relative des salariés qui sont aujourd’hui dans la tranche d’âge des 50-54 ans montre que dans beaucoup de secteurs la part des 55-59 va encore augmenter dans les cinq années à venir.
4. L’importance des 60-64 ans est aussi appelée à augmenter, peut-être plus encore, dans des secteurs comme « transports et entreposage », « fabrication de matériels de transport », « construction », etc. ; cependant, est-ce tenable pour les travailleurs concernés au vu des exigences physiques du travail ?
5. Enfin, l’augmentation de la part des travailleurs âgés, voire très âgés, a-t-elle un sens en terme de gestion des ressources humaines (notamment au vu de l’évolution des métiers) dans des secteurs comme les « activités financières et d’assurance » ?
A propos des conditions de travail, relevons que
– 22.000 salariés âgés travaillent en pauses
– 36.000 travaillent habituellement en soirée
– 12.000 travaillent habituellement la nuit.
Au vu du peu de personnes concernées, des solutions d’amélioration des conditions de travail devraient, me semble-t-il, pouvoir être trouvées pour ces travailleurs âgés dans le cadre des négociations en cours.
Beaucoup de salariés âgés – plus de 36% – travaillent à temps partiel et presque 60% des femmes.
Les données de l’enquête sur les forces de travail permettent d’apporter encore deux informations :
– environ 3% des salariés entre 55 et 64 ans ont un emploi à durée déterminée ; ce pourcentage est resté plus ou moins stable au cours des dernières années ; il est plus faible que celui de l’ensemble des salariés (un peu plus de 8%) et surtout que celui des jeunes travailleurs (environ un tiers) ;
– les retraites anticipées représentent un tiers environ des départs à la retraite.
INTRODUCTION
Le seuil de pauvreté et par conséquent le pourcentage de la population en risque de pauvreté sont estimés à partir d’une enquête annuelle appelée SILC. Cette enquête est administrée dans tous les pays de l’Union plus quelques autres pays européens.
SILC est l’acronyme pour Statistics on Income and Living Conditions. Le terme Statistics apparaît en Belgique inadéquat puisqu’il s’agit, chez nous, d’une enquête. En fait, dans beaucoup de pays, le seuil de pauvreté national est calculé sur base de données administratives, fiscales et sociales.
C’est dommage qu’en Belgique il s’agisse (uniquement) d’une enquête, car on sait les limites d’une enquête : échantillon qui peut être insuffisamment représentatif, intervalles de confiance parfois larges, réponses douteuses sur des points délicats (comme, par exemple, les revenus de la propriété), réponses manquantes (et les méthodologies pour combler les non-réponses sont discutables), absence probable de certaines sous-populations (les très riches et les très pauvres en particulier), etc.
Bref, dommage que la Belgique ne suit pas les lignes directrices européennes qui encouragent le recours aux répertoires (de données) existants. C’est d’autant plus dommage qu’ils sont en Belgique bien développés. On pense par exemple aux fichiers de la Banque Carrefour de la Sécurité Sociale et des données fiscales.
Dans ce contexte, la dernière publication de l’Institut pour un Développement Durable fait une critique statistique du seuil de pauvreté belge et propose une autre estimation de celui-ci.
UN CONSTAT MAJEUR
L’enquête SILC belge présente une importante limite : le revenu disponible global des ménages calculé à partir des données SILC est en-deçà de l’estimation macroéconomique ; suivant les années entre 80% et 90% environ.
On constate en effet que le revenu moyen par tête SILC est assez éloigné du revenu moyen estimé à partir des données macroéconomiques. L’écart moyen sur la période 2002-2012 est d’environ 4.500 €/an, soit environ 17% (du revenu macroéconomique). L’écart tend cependant à se réduire au cours des années les plus récentes.
LE SEUIL DE PAUVRETE
Ce qui compte pour déterminer le seuil de pauvreté c’est le revenu médian équivalent (à savoir un revenu où on tient compte de la composition et de l’âge des personnes qui composent chaque ménage).
Disons le d’emblée, estimer le revenu médian équivalent à partir de données macroéconomiques est un exercice hautement spéculatif. Le tenter en vaut cependant la peine, ne serait-ce que pour forcer un débat pour améliorer les estimations officielles du seuil de pauvreté.
Constatons en tout cas que d’autres pays font mieux que la Belgique en ce qui concerne la couverture des revenus disponibles des ménages par l’enquête SILC. C’est le cas des Pays-Bas et de la France, où en 2011 et 2012 l’estimation SILC et l’estimation macroéconomique sont très proches.
Tenant compte de diverses données et analyses détaillées dans la note jointe, voici l’estimation du seuil de pauvreté proposée par l’Institut pour un Développement Durable pour les années 2010 à 2013.
Sur la période 2010-2013, le seuil de pauvreté serait compris entre environ 1.170 et 1.210 €/mois. Il serait donc, en moyenne sur cette période, d’environ 100 € supérieur au seuil de pauvreté estimé par SILC. L’écart est moins important pour les années 2012 (environ 80 €/mois) et 2013 (environ 70 €/mois). En 2015, le seuil de pauvreté serait compris dans la même fourchette (environ 1.190 €/mois).
Il va de soi, commentaire essentiel, que ces estimations sont des ordres de grandeur, avec d’importants « intervalles de confiance ». Ceci dit, la probabilité que le « vrai » seuil de pauvreté soit supérieur à celui calculé par SILC est élevée.
Faisons remarquer que les écarts sont loin d’être des montants modestes. Très concrètement, en 2013, l’écart entre les deux seuils de pauvreté représente un montant annuel de 1.800 € nets pour un ménage de deux parents et deux jeunes enfants.
LE TAUX DE PAUVRETÉ
Il est raisonnable de penser que ce niveau de seuil de pauvreté conduit à une augmentation du taux de pauvreté.
Au total, sur base des informations (limitées) analysées par l’Institut pour un Développement Durable, on peut estimer que le taux de pauvreté augmenterait chez les moins de 65 ans et diminuerait chez les 65 et plus ; l’impact net – positif – sur le taux de pauvreté pourrait être limité à 1,0%/1,5%.
QUELQUES CONSIDÉRATIONS POLITIQUES
Rappelons d’abord en toute transparence que l’exercice effectué l’Institut pour un Développement Durable est un exercice délicat, voire casse-cou. Les estimations proposées ici valent donc ce que valent les intuitions et hypothèses plus ou moins pertinentes et les calculs qui s’en suivent. Mais, en tout état de cause, il semble difficile de nier une (plus que) probable sous-estimation du seuil de pauvreté et du taux de pauvreté.
Mais, tant pis, essayer de forcer le débat sur les limites et faiblesses de l’enquête SILC en vaut la chandelle. Forcer le débat à nouveau devrait-on dire. En effet, nous sommes quelques-uns à demander depuis plusieurs années plus de moyens pour l’enquête SILC et l’utilisation conjointe des banques de données administratives.
L’importance de l’enquête SILC en matière de la politique des revenus et de la politique sociale implique d’y consacrer des moyens humains et financiers supplémentaires. Ces moyens supplémentaires devraient permettre 1° d’augmenter la taille de l’échantillon et 2° de contrôler mieux les réponses. Pour l’enquête SILC il faut absolument combiner beaucoup plus qu’aujourd’hui les données administratives (Banque carrefour, déclarations fiscales…) et les données résultant d’enquêtes.
Ceci dit, il apparaît clairement que la principale faiblesse de l’enquête SILC se situe du côté des revenus de la propriété, et en particulier des intérêts et des dividendes. Si d’autres données dont on dispose peuvent contribuer à améliorer la fiabilité de l’enquête SILC, il faut reconnaître, en l’absence d’un cadastre des patrimoines, que ces revenus restent plus difficiles à cerner au niveau microéconomique. Mais ce n’est pas une raison pour renoncer à essayer de faire mieux qu’aujourd’hui. En tout cas d’autres pays semblent, à première vue, arriver à de meilleurs résultats en la matière. C’est notamment le cas de la France.
Une plus correcte estimation du seuil de pauvreté est donc nécessaire dans le cadre des conventions actuelles qui fixent le niveau et la méthodologie du seuil de pauvreté.
Mais, rien n’oblige à considérer ces conventions comme intangibles. En outre, libre à l’Etat fédéral et aux régions de publier des indicateurs complémentaires ou de modifier l’une ou l’autre convention pour usage propre. Deux conventions doivent à mon estime être questionnées :
– la non-prise en compte des revenus imputés, à savoir le « bénéfice » qui découle d’être propriétaire de son logement
– la clé utilisée – dite échelle OCDE modifiée – pour calculer le niveau de vie relatif d’un ménage en tenant du nombre et de l’âge des personnes qui composent le ménage.
Une estimation des revenus imputés fait partie des données qui doivent être réunies par l’enquête SILC. Cette variable, très importante dans un pays ou pratiquement 70% (80% pour les ménages âgés) des ménages sont propriétaires n’est pas exploitée en Belgique. Pourquoi s’obstine-t-on, en Belgique, à ne pas tenir compte de ces revenus pour estimer le taux de pauvreté ? Certes, l’Europe n’a pas (encore) décidé de le faire. Mais on pourrait publier cet indicateur parallèlement au taux de pauvreté « officiel« . L’impact de la prise en compte des loyers imputés sur le taux de pauvreté a été estimé en 2009 : -1,7% pour le taux de pauvreté global et quasiment -10% pour le taux de pauvreté des 65 ans et plus.
L’échelle OCDE modifiée est une très ancienne convention qui ne correspond probablement plus aux réalités vécues dans de nombreux ménages de plus d’une personne. Des travaux rigoureux doivent être entrepris pour la corriger au niveau belge, en attendant d’éventuels évolutions au niveau d’EUROSTAT.
Il importe donc, me semble-t-il, de travailler en Belgique – et dans ses régions – dans trois directions :
1. Améliorer l’estimation du seuil et du taux de pauvreté tels que définis dans les conventions européennes. Les outils pour ce faire sont disponibles.
2. Publier un taux de pauvreté tenant compte des loyers imputés.
3. Travailler en profondeur la question des unités de consommation afin de mieux mesurer le niveau de vie des ménages en fonction du nombre et de l’âge des personnes qui composent le ménage.
La question en devient lancinante : qu’est-ce qui empêche l’État fédéral et les régions de se mobiliser autour de ce triple objectif ?
Enfin, il faudrait réactiver le débat en Belgique sur d’autres approches de mesure de la pauvreté. Le taux de pauvreté SILC est, in fine, avant tout un indicateur de la position relative des ménages par rapport au revenu médian. Mais des mesures de la pauvreté absolue – en clair combien de personnes/ménages n’ont-ils pas les revenus suffisants pour faire face à leurs besoins personnels et sociaux – devraient compléter l’approche SILC.
QUELQUES DONNÉES STRUCTURELLES
Le tableau suivant présente l’évolution du revenu disponible total des 3 régions et du Royaume, aux prix de 2015. La croissance à 20 ans d’écart est significative mais relativement faible – moins de 1% – en terme de croissance annuelle moyenne. La Wallonie – on le voit – est un peu à la traîne.
Les tableaux suivant présentent, sur une schéma identique, les indicateurs suivants :
– revenu disponible par ménage
– revenu disponible par personne
– revenu disponible par unité de consommation.
La croissance du revenu disponible par ménage tourne autour de 0%, avec une croissance un peu plus élevée à Bruxelles.
Le nombre d’habitants ayant évolué moins vite que le nombre de ménages (ce qui implique une baisse tendancielle de la taille moyenne des ménages), le revenu disponible par habitant évolue plus favorablement, à l’exception de Bruxelles où il baisse, les évolutions démographiques y étant de sens opposé à celles des 2 autres régions.
Enfin, tenant compte des évolutions dans la composition des ménages, il ressort que la croissance du revenu disponible par unité de consommation – bon indicateur de l’évolution du niveau de vie – croit moins vite que le revenu disponible par personne en Flandre et en Wallonie et baisse moins à Bruxelles.
LES TENDANCES DE LONG TERME
Quatre observations majeures ressortent des évolutions tendancielles entre 1995 et 2015 :
– Le revenu disponible par tête et le revenu par unité de consommation enregistrent tous les deux un maximum historique en 2008/2009.
– Le recul du revenu disponible (par tête ou par unité de consommation) depuis le début de la crise est particulièrement marqué à Bruxelles.
– Depuis lors, le revenu disponible réel (par tête ou par unité de consommation) n’est pas encore revenu au niveau maximum observé, dans aucune région, même si on observe une (lente) remontée depuis un an ou deux.
– En projetant les évolutions – revenu disponible et démographiques – découlant des récentes Perspectives économiques régionales et Perspectives socio-démographiques, il faudra attendre, pour que le revenu disponible par unité de consommation revienne au niveau d’avant-crise :
> 2029 à Bruxelles
> 2021 en Flandre
> 2018 en Wallonie
> 2021 au niveau du Royaume.
Deux conclusions :
1. L’analyse macroéconomique ne s’intéresse pas assez, en dehors du marché du travail, au poids des évolutions socio-démographiques. C’est une erreur. En tenir compte permet de calibrer les « performances » en matière de revenus.
2. Ces données et évolutions permettent de mieux comprendre le ressenti de terrain des citoyens et consommateurs.
Plus de détails dans la note jointe.
Philippe Defeyt
Dans le cadre de la lutte contre la pauvreté et la précarité, les familles monoparentales font l’objet d’une attention particulière, au niveau fédéral comme dans les régions. Cette attention se justifie amplement au vu des résultats des enquêtes sur la pauvreté.
Au vu de cette préoccupation, la dernière note de l’Institut pour un Développement Durable fait le point statistique sur les familles monoparentales.
Quelques données globales
Il y avait en Belgique au 1er janvier 2013 (nombres arrondis)
Les observations sont fort proches ; c’est normal, elles partent toutes les deux du registre de la population.
Voici la répartition régionale. Bruxelles et la Wallonie sont surreprésentées dans les familles monoparentales relativement à leur population totale.
Des faits
Voici quelques indicateurs pour la Belgique et les trois régions.
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La dernière étude l‘Institut pour un Développement Durable propose une photographie de la situation, absolue et relative, des chefs de famille monoparentale. Elle confirme mais précise aussi des constats précédents. Tous les indicateurs socioéconomiques (taux d’emploi, proportion d’emplois à temps partiel, hauteur des salaires…) concourent à expliquer pourquoi le taux de pauvreté/précarité est plus élevé pour les familles monoparentales que pour le reste de la population.
Mais cela reste une description. Il faut aussi interpréter et comprendre les dynamiques à l’œuvre. Je vois au moins quatre séries de questions qui méritent des investigations approfondies :
Questions difficiles, mais auxquelles il faut avoir le courage de répondre.
Plus de données et explications dans la note jointe et l’annexe libre.