Archive for the ‘Notes’ Category

Quelques données visant à alimenter le débat ouvert par le Ministre bruxellois de l’emploi sur le « modèle méditerranéen »

mardi, mai 30th, 2023

Bernard Clerfayt, le ministre bruxellois de l’emploi, a déclaré ceci sur le plateau de LN24 (14 avril 2023) : « Beaucoup de femmes sont encore dans un modèle méditerranéen, que ce soient des Italiens, Marocains ou Turcs d’origine. C’est un modèle familial où monsieur travaille et madame reste à la maison pour s’occuper des enfants ». Le moins que l’on puisse dire c’est qu’il a suscité un torrent de réactions.

La présente note de l’IDD vise à alimenter et à structurer une réflexion sur cette prise de position, avec des statistiques basées sur les données de la Banque Carrefour de la Sécurité Sociale (BCSS) ; il ne s’agit donc pas de conclure à ce stade-ci une analyse forcément complexe tant elle nécessite d’activer des disciplines et approches différentes mais plutôt de proposer quelques clés de lecture permettant d’exclure des approches simplistes ou orientées.

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On constate d’abord (voir graphique ci-après) qu’en effet, le taux d’emploi des femmes vivant en couple avec enfant(s) d’une des trois « origines » méditerranéennes est plus faible que celui des femmes d' »origine » belge, ce qui ne constitue pas vraiment une surprise ; il est particulièrement faible pour les femmes d’ »origine » maghrébine (31% pour les 25-64 ans).

Voici quelques clés de lecture :

  • Il faut d’abord interpréter avec prudence les « origines » (dans cette note le mot a été placé systématiquement entre guillemets pour cette raison). D’abord, parce que la définition de la BCSS peut donner lieu à de multiples configurations en ce qui concerne les « origines ». Ensuite, parce que d’autres indicateurs sur les « origines » sont possibles. Enfin, les « origines » ne peuvent d’évidence pas tout expliquer.
  • Des écarts semblables sont observés, même s’ils sont moindres, dans d’autres types de ménages (couples sans enfants, ménages monoparentaux, personnes isolées), donnant a minima une portée limitée à l’hypothèse d’une explication centrale du genre « modèle méditerranéen » (sous-entendu : femme en couple avec enfant(s) qui « reste à la maison »).
  • Les taux d’emploi des hommes vivant en couple avec enfant(s) sont également moindres pour ceux d' »origine » méditerranéenne, même si les écarts (par rapport aux personnes d' »origine » belge) sont moins importants que chez les femmes.
  • Les taux d’emploi et les écarts entre ceux-ci compte tenu de l' »origine » peuvent varier aussi en fonction du contexte régional/local ; c’est ainsi, par exemple, que le taux d’emploi des femmes d’origine maghrébine est en absolu et en termes relatifs meilleur en Flandre et en Wallonie qu’à Bruxelles.
  • Les situations ne sont pas figées : des progrès absolus et relatifs en matière de taux d’emploi des femmes d' »origine » méditerranéenne ont été enregistrés entre 2010 et 2021, en particulier pour les 50-64 ans.
  • Les écarts (« origines » méditerranéennes / « origine » belge) sont moins importants pour ce qui concerne le taux d’activité, ce qui implique que les taux de chômage sont plus importants pour les femmes d' »origine » méditerranéenne. On observe, pour certaines situations, des taux de chômage très élevés.
  • Enfin, on sait que, d’une manière générale, les taux d’activité et les taux d’emploi sont aussi influencés par le niveau d’études. Or, tout indique que les populations d' »origines » maghrébine et turque ont une structure en termes de formation moins favorable pour ce qui est de l’insertion sur le marché du travail.

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Comme dit d’emblée, les données présentées et commentées dans la note de l’IDD ne permettent pas de faire le tour de la question. Les différences de taux d’activité, de taux d’emploi et de taux de chômage constatées entre les femmes en couple avec enfant(s) suivant leur « origine » sont le résultat de nombreux facteurs dont font partie : les discriminations liées à l' »origine » (établies par ailleurs), les niveaux d’études, les proportions de femmes dépendantes des CPAS et le dynamisme plus ou moins marqué du marché de l’emploi local, tous facteurs qui jouent a priori en défaveur des femmes d' »origine » méditerranéenne à Bruxelles.

Il y a d’autres facteurs explicatifs des différences, mais les données me semblent manquer pour les repérer et les quantifier ; d’autres disciplines (sociologie, anthropologie…) doivent aussi être mobilisées pour essayer d’y voir plus clair.

En attendons, rappelons qu’il y avait à Bruxelles, en décembre 2021, 6.000 femmes en couple avec enfant(s) d' »origine » méditerranéenne (dont 2.200 non indemnisées par l’ONEM) qui étaient demandeuses d’emploi ; si elles avaient eu un job, les taux d’emploi des femmes d' »origine » maghrébine et turque se seraient situés au même niveau qu’en Flandre.

La note est disponible ici et l’annexe statistique ici.

Philippe Defeyt

Le taux d’emploi des 4 grandes villes belges

mardi, décembre 13th, 2022

Cette note de l’Institut pour un Développement Durable vise à calculer le taux d’emploi des quatre grandes villes belges ; il s’agit de proposer un autre point de vue sur les taux d’emploi, en s’intéressant à ce qui se passe à un niveau inférieur au niveau régional auquel est habituellement calculé le taux d’emploi.

Trois constats majeurs :

  • les taux d’emploi des grandes villes sont tous inférieurs au taux d’emploi de leur région ; le taux d’emploi de Gand est cependant relativement proche de celui de la Flandre ;
  • la ville d’Anvers a un taux d’emploi proche du taux d’emploi de la Wallonie ;
  • le taux d’emploi des 2 grandes villes wallonnes est de l’ordre de seulement 53-54%, taux largement inférieurs au taux d’emploi de la région (66%).

Ces résultats doivent être le point d’accroche pour des analyses plus approfondies, regardant la réalité en face, en particulier pour ce qui est des deux grandes villes wallonnes.

Plus dans la note ici.

Philippe Defeyt

L’importance des travailleurs âgés et leur état de santé

samedi, novembre 26th, 2022

Cette note de l’Institut pour un Développement Durable trouve son origine dans des constats fréquemment posés dans les médias sur le nombre de salariés qui partent ou doivent partir à la retraite dans les années à venir.

Un exemple : « La pénurie (de chauffeurs routiers) est essentiellement due à la pyramide des âges. Près de la moitié des chauffeurs ont plus de 50 ans de sorte qu’il y a des milliers de départs à la retraite chaque année. Certains choisissent de travailler plus longtemps pour autant que leur visite médicale les y autorise, mais ce n’est pas suffisant. Il manque actuellement quelque 5.000 chauffeurs en Belgique, le problème se posant en des termes identiques dans la plupart des pays. »

Cette note de l’IDD vise à quantifier l’importance relative et absolue des travailleurs âgés et à donner un aperçu de leur état de santé au travers de la proportion de salariés qui sont en invalidité.

Cet exercice se base sur le nombre de travailleurs, salariés (ONSS) et indépendants, à la date du 31.12.2021 et une estimation du nombre de salariés invalides à cette même date.

Les données utilisées sont disponibles ici.

Attention à l’interprétation

Trois remarques importantes pour l’interprétation des résultats qui suivent :

  • les données concernent les secteurs d’activité ; or, au sein d’un même secteur, les structures démographiques des travailleurs peuvent être différentes d’une entreprise à l’autre ou d’une administration à l’autre ou encore d’un métier à l’autre ;
  • la plus ou moins grande proportion de travailleurs âgés peut donner lieu à des lectures diverses (pas nécessairement exclusives) : dans certains cas, par exemple dans des secteurs/entreprises où la demande de main-d’œuvre est en retrait, il est plus facile d’amortir le choc avec une plus grande proportion de départs « naturels » (maladie de longue durée, mise à la (pré)retraite et/ou démission) ; même des secteurs/entreprises qui se portent bien peuvent « profiter » des départs « naturels » pour engager des profils plus pointus, aux compétences/connaissances plus à jour ; par contre, autre type de situation, dans les secteurs où il y a des pénuries, de trop nombreux départs « naturels » risquent de les rendre encore plus prégnantes ; enfin, une (plus) faible proportion de travailleurs âgés peut aussi résulter de départs naturels plus nombreux que dans d’autres activités/métiers/entreprises ;
  • enfin, les données utilisées ici ne disent rien sur les profils/compétences/métiers de ceux qui partiront bientôt ; illustration pour la santé : manque-t-on plus ou moins d’infirmiers.ières, d’aides-soignant.e.s, de technicien.ne.s, etc. ?

Les tendances

Le vieillissement de la main-d’œuvre est en route depuis longtemps, reflet du vieillissement démographique, mais aussi conséquence bienvenue de la montée en puissance de la participation des femmes sur le marché du travail ; c’est ainsi que la part des 50 ans et + dans l’emploi total est passé de 17% à 32% entre 1999 et 2020.

Deux évolutions internes aux travailleurs âgés méritent d’être rappelées : une augmentation – au cours de la même période – de la proportion de femmes (de 34 à 46%) et des âgés très qualifiés (de 27 à 41%).

Les résultats

Les travailleurs de 55 ans et + représentent 19% de l’emploi total ; c’est plus (23%) pour l’emploi indépendant ; l’emploi des 60-64 ans est proportionnellement plus important dans l’emploi des 55 ans et + chez les indépendants (40% contre 32% pour les salariés).

Il n’est pas possible, et ce n’est pas le but de cette note, de commenter en détail les données de chaque secteur (il y en a 250) ; on ne dispose d’ailleurs pas nécessairement des clés d’interprétation, qui peuvent parfois être très spécifiques.

Voici quelques commentaires néanmoins ; il y a 34 secteurs avec au moins 5.000 travailleurs et dont la part de l’emploi des âgés dans l’emploi total correspondant est supérieur à la moyenne pondérée (soit 19,4%) ;

  • ces secteurs ainsi sélectionnés représentent 49% du nombre total de travailleurs âgés
  • il y a quelques « poids lourds » dans la liste, notablement le secteur de l’Administration générale, économique et sociale (80.000 travailleurs âgés et 25% de l’emploi sectoriel) et le secteur des Activités hospitalières (47.000 emplois et 21% de l’emploi sectoriel) ;
  • la présence dans cette liste de certains secteurs est tout sauf étonnante : l’Administration générale comme déjà mentionnée mais également l’Administration de la sécurité sociale obligatoire (25,2% de travailleurs âgés), le secteur Culture et élevages associés (36%), divers secteurs de la santé dont les Activités des médecins et des dentistes (26%) les Activités de soins infirmiers résidentiels (23%), l’Action sociale sans hébergement pour personnes âgées et pour personnes avec un handicap moteur (27%) et les Transports routiers de fret et services de déménagement (27%) ; bref, l’agriculture, l’administration et les services aux personnes (y compris la santé) sont des secteurs plus « gris ».

Habitués à réfléchir de manière binaire, on en oublie trop souvent que des travailleurs peuvent à la fois être répertoriés dans les statistiques de l’emploi et dans les statistiques des personnes invalides (au sens de la législation INAMI). Ce sont, en l’occurrence, des travailleurs qui ont toujours un contrat de travail mais sont en maladie depuis plus d’un an.

La proportion de salariés en invalidité augmente avec l’âge, dépassant les 18% pour les 60-64 ans.

Pour donner une vue plus correcte de la situation, l’IDD a estimé le nombre d’invalides par secteur et pour les catégories d’âge 55-59 ans et 60-64 ans, secteurs privé et public confondus. Voici les pourcentages d’invalidité estimés par l’IDD.

On doit constater que le taux d’invalidité est particulièrement élevé dans les secteurs Construction de bâtiments résidentiels et non résidentiels (26% des 55-64 ans) et Action sociale sans hébergement pour personnes âgées et pour personnes avec un handicap moteur (24%).

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Cet exercice n’a pas d’autre ambition que de planter le décor en matière de vieillissement de la force de travail et, dans une certaine mesure, d’objectiver et de quantifier le ressenti qui émane d’organisations patronales ou syndicales.

Aller plus loin passe par des investigations plus fines et l’accès à des données non immédiatement disponibles comme, par exemple, le nombre d’invalides ayant quitté leur emploi par secteur d’origine.

Plus dans la note ici.

Philippe Defeyt

Une hausse inquiétante du nombre de jeunes chômeurs, en particulier en Wallonie

lundi, novembre 21st, 2022

Le nombre de demandeurs d’emploi inoccupés (DEI) est reparti à la hausse en octobre 2022, après une longue période de baisses à un an d’écart. Seul la Flandre fait encore exception (l’évolution à un an d’écart en octobre 2022 est encore légèrement négative : – 0,5 %), mais cela ne durera pas.

Ce qui frappe dans les évolutions récentes, c’est l’augmentation, commencée plus tôt et plus ample, du nombre de chômeurs de moins de 25 ans, dans les trois régions du pays.

La hausse à un an d’écart du nombre de jeunes chômeurs a commencé en mai en Wallonie et en septembre dans les deux autres régions.

La hausse en Wallonie en octobre 2022 est particulièrement élevée : + 13 % à un an d’écart.

Voici d’autres constats pour la Wallonie (hors Communauté germanophone) :

  • en octobre 2022, plus de la moitié (52%) des jeunes chômeurs en Belgique sont wallons ;

  • le nombre de jeunes en stage d’insertion augmente tout au long de l’année 2022 ; en octobre c’est l’augmentation du nombre de stagiaires qui explique la totalité de la hausse du nombre de jeunes chômeurs ;

  • on constate une baisse tendancielle de la proportion de jeunes chômeurs qui sont indemnisés par l’ONEM ; au cours des douze derniers mois, en moyenne seulement 23% des jeunes chômeurs wallons étaient indemnisés par l’ONEM ; c’est environ moitié moins qu’en 2015 ; une proportion semblable de jeunes bénéficient d’un revenu d’insertion ; au total, plus de la moitié des jeunes demandeurs d’emploi inoccupés n’ont donc pas de revenu propre ; autant de jeunes à charge de leurs parents, dont certains sont en difficultés aussi ;

  • si on pousse le curseur jusqu’à 30 ans, la proportion de jeunes dans le nombre de demandeurs d’emploi inoccupés est en moyenne de 35 % au cours des douze deniers mois ; le nombre de chômeurs de moins de 30 ans a augmenté de 12,4 % à un an d’écart en octobre 2022.

Plus dans la note ici.

Philippe Defeyt

Actualisation de quelques statistiques énergétiques

dimanche, octobre 30th, 2022
Cette note de l’IDD a pour objet d’actualiser, d’affiner et de compléter quelques statistiques énergétiques qui peuvent être d’un certain intérêt pour les débats en cours et à venir. Elles concernent les ménages et se basent sur des informations disponibles en octobre 2022.

Le tableau suivant montre que les primes énergétiques couvrent – en moyenne – 16% de la facture annuelle (électricité plus gaz) d’un consommateur standard  au tarif moyen d’octobre 2022.

Deux précisions pour bien interpréter ces pourcentages :

  • les pourcentages sont, pour les ménages standards considérés, recourant à un nouveau contrat, des moyennes ;
  • il s’agit d’un impact « instantané » (= sur base des prix du mois considéré).

Toutes autres choses égales par ailleurs, la prime énergétique représente forcément une part plus importante de la facture pour des consommateurs plus modestes, comme le montre le tableau suivant.

La part de la facture finale d’un consommateur donné qui sera couverte par ces primes dépendra bien évidemment d’une situation à l’autre, suivant le contrat choisi et son mécanisme d’indexation. De même, la période à laquelle on impute l’aide est discutable.
Si, à titre d’illustration, on globalise les années 2022 et 2023 et que l’on fait l’hypothèse qu’il n’y aura plus d’autres aides que celles qui ont été décidées à ce jour, l’aide totale devrait être, pour un consommateur standard, de l’ordre de 10% des factures, pour l’électricité comme pour le gaz, et de l’ordre de 20% pour un petit consommateur, les pourcentages exacts dépendant bien sûr de l’évolution des prix d’ici fin 2023.

Rappelons qu’environ 21% des consommateurs d’électricité comme de gaz ne bénéficient ni du tarif social ni de ces primes énergétiques (parce qu’ils ont conclu un contrat fixe avant le 1er octobre 2021).Malgré les mesures prises, l’écart entre le tarif commercial et le tarif social reste important.

Si on tient compte de l’ensemble des mesures prises, se chauffer au mazout reste plus intéressant que se chauffer au gaz pour un consommateur « normal », tandis que pour un consommateur social le gaz est toujours plus intéressant ; pourquoi ne veut-on manifestement pas mettre fin à cette discrimination en défaveur des ménages précaires ?On rappellera encore qu’il y a des différences de tarifs non négligeables entre régions. Par exemple, le tarif commercial moyen est en Wallonie est de 4,8% plus élevé qu’en Flandre pour l’électricité et de 5,9 % pour le gaz.

Plus dans la note ici.

Philippe Defeyt

L’indexation des salaires et des barèmes fiscaux : des mécanismes à moderniser

samedi, juillet 2nd, 2022

Concerne : L’indexation des salaires et des barèmes fiscaux : des mécanismes à moderniser

En janvier 2022, l’IDD a publié une note intitulée « L’indexation des salaires et des barèmes fiscaux : des mécanismes à moderniser ». Son principal objectif était d’attirer l’attention sur le fait qu’en cas d’indexation en cours d’année, le salaire net augmente moins vite que le brut ; l’explication : les paramètres fiscaux sont indexés en début d’année et ne bougent plus jusqu’au début de l’année suivante.

Cette note a pour objet d’affiner l’analyse en étudiant l’évolution des salaires bruts et nets, à prix courants et réels, à la fois sur une base annuelle et sur une base mensuelle, pour trois modèles d’indexation : fonction publique, CP200 (Commission Paritaire Auxiliaire pour Employés) et CP310 (Commission Paritaire des Banques) ; ces modèles d’indexation ont été choisis parce qu’ils sont fort contrastés :

  • fonction publique : indexation de 2% quand l’indice-pivot est franchi (indice-santé lissé)
  • CP 200 : adaptation des salaires en janvier sur base de l’évolution de la moyenne des indices-santé lissés de novembre et décembre de l’année précédente par rapport à cette même moyenne de l’avant dernière année
  • CP 310 : adaptation des salaires tous les deux mois (janvier, mars…) ; le pourcentage d’indexation est égal à l’évolution en pourcentage de l’indice-santé des 4 mois précédents, comparé à la moyenne arithmétique de l’indice-santé du 3ième au 6ième mois précédent l’adaptation.

La principale conclusion de l’analyse est que – dans la configuration actuelle d’évolutions de l’indice des prix à la consommation et de l’indice-santé lissé – les salariés perdent du pouvoir d’achat, malgré les mécanismes d’indexation des salaires existant ; certains travailleurs, comme ceux de la CP 200 sont particulièrement mal lotis, comme le montre le graphique ci-après. On notera encore que, malgré l’indexation annuelle des barèmes fiscaux, le salaire net réel serait fin 2023 inférieur à celui de janvier 2021, dans les trois situations.

Quelles conclusions tirer de ces illustrations des impacts dans le monde réel des mécanismes d’indexation ?

Hors augmentation salariale, l’évolution du pouvoir d’achat dans le monde réel dépend de beaucoup de paramètres : dynamique d’évolution des prix entre deux indexations, écart entre l’évolution de l’indice-santé lissé qui gère les indexations et celle de l’IPC, dates et modalités d’indexation du salaire brut, adaptation des montants et seuils de l’IPP (précompte professionnel) au début de chaque année, dont l’impact dépend du niveau de revenu et de la configuration du ménage ; en outre, les temporalités ne sont pas les mêmes ; en bref : la cohérence n’est pas au rendez-vous.

Toutes choses égales par ailleurs,

  • le pouvoir d’achat est érodé en cours d’année en cas d’indexation du salaire brut parce que le barème fiscal n’est indexé qu’une fois l’an ; cette observation vaut quels que soient les paramètres des diverses indexations qui se télescopent ;
  • la hauteur de l’impact négatif de la non indexation du barème fiscal en cours d’année est différente d’une convention collective à l’autre (en fonction des modalités d’indexation et du nombre d’indexations en cours d’année) ;
  • le taux d’indexation appliqué une fois l’an aux montants et seuils fiscaux ne correspond pas nécessairement à l’évolution nominale des salaires en cours d’année, parce qu’elle est propre à chaque convention collective et parce que l’indexation des barèmes fiscaux se fait sur base de l’évolution des prix (IPC) de t-1 versus t-2 ; c’est en particulier le cas en 2022 : indexation des barèmes fiscaux de é,44% contre une augmentation moyenne des salaires horaires bruts de l’ordre de 6% ;
  • en tout état de cause, entre deux indexations, on sait que le pouvoir d’achat est réduit à due concurrence de l’évolution des prix (sauf si les prix baissent…) ; quand l’IPC augmente plus que l’indice-santé lissé, ce qui est le cas dans la seconde moitié de l’année 2021 et une bonne partie de l’année 2022, la perte de pouvoir d’achat entre deux indexations s’en trouve accentuée.

Même si on touche à des matières techniquement un peu complexes et socialement et politiquement « sensibles » de même qu’à des traditions de fonctionnement sectorielles parfois anciennes, il me semble qu’il faudrait harmoniser les dispositifs d’indexation pour les rendre cohérents, plus lisibles et protégeant mieux le niveau de vie en cas de forte inflation.

Si on veut véritablement garantir le pouvoir d’achat des salariés et le stabiliser dans le temps, il faudrait donc, idéalement ,

  • avoir des indexations salariales plus rapprochées ;
  • adapter le barème fiscal à chaque indexation des salaires bruts pour que l’augmentation en net soit égale à l’augmentation en brut ; mais pour qu’une telle mesure puisse être mise en Å“uvre, il faut dès lors harmoniser les mécanismes et modalités d’indexation des salaires bruts entre secteurs ; en effet, même si on acceptait d’adapter tout au long de l’année les barèmes fiscaux, il faudrait le faire pour chaque convention collective puisque les modalités d’indexation diffèrent, ce qui complexifie la mise en Å“uvre d’une réforme – pour moi souhaitable – visant à faire évoluer le net comme le brut.

Tenant compte de l’analyse, la meilleure formule serait une harmonisation des modalités d’indexation des salaires et des barèmes fiscaux. Concrètement, la proposition serait d’indexer les salaires et les barèmes fiscaux chaque semestre, sur base de la même référence, permettant ainsi de limiter l’érosion du niveau de vie en cours d’année ; dans la foulée, le barème fiscal appliqué lors de l’enrôlement serait la moyenne des deux derniers barèmes semestriels. Une telle proposition rend les choses simples, cohérentes et rapproche les temporalités de toutes les indexations. Dans la foulée, ce mécanisme pourrait servir à l’indexation de diverses dépenses publiques, comme par exemple les subsides aux secteurs sociaux, les transferts du fédéral vers les régions et communautés, les bourses d’études, etc., etc. Il va de soi que ces mécanismes d’indexation vaudraient aussi pour les allocations sociales.

Une harmonisation des mécanismes d’indexation permettrait aussi d’éviter des effets collatéraux non désirés ; en effet, à la marge, des travailleurs peuvent se trouver en-deçà ou au-delà de seuils qui ouvrent le droit à divers avantages simplement parce que les règles d’indexation (temporalités et indices pris en considération) ne sont pas les mêmes.

Plus dans la note ici.

A votre disposition.

Philippe Defeyt

Crise de l’énergie : ne répétons pas les erreurs des années 70

mardi, avril 5th, 2022

Six économistes ont publié le 5 avril 2022 une carte blanche intitulée : « Crise de l’énergie : ne répétons pas les erreurs des années 70 » (Le Soir, p.5).

Vous trouverez dans la note ici quelques commentaires sur leurs analyses et propositions.

Philippe Defeyt

Comparaison des factures des consommateurs sociaux (gaz naturel et mazout)

mercredi, mars 16th, 2022

Les utilisateurs de mazout aidés par le Fonds chauffage sont discriminés par rapport aux bénéficiaires du tarif social gaz ; ils le sont encore après les mesures prises et le resteront au moins jusqu’à la fin de 2022.

Pour le gaz et le mazout il existe des mécanismes de réduction de la facture en faveur des ménages à petits revenus : il s’agit du tarif social pour le gaz (explications ici) et d’une intervention du Fonds chauffage pour le mazout (explications ici).

L’objectif de cette note est de comparer, pour un même niveau de consommation, les écarts entre les factures des consommateurs sociaux en fonction du combustible utilisé.

Deux résultats majeurs (les résultats complets sont donnés ici) :

  • sur la période janvier 2015 – février 2022, la facture pour le mazout est, pour un même niveau de consommation, systématiquement supérieure à celle du gaz naturel, à l’exception d’une partie de l’année 2016 ; ce sera encore le cas au moins jusqu’à la fin de l’année ;
  • les écarts augmentent depuis la mi-2021 ; l’écart est en février 2022 de 291 €/an pour un tout petit consommateur (10.000 kWh par an), de 635 €/an pour une consommation de 20.000 kWh ; tout indique que ces écarts resteront élevés en 2022, de l’ordre de ceux observés en début d’année.

Quatre conclusions de portée politique :

  • la discrimination, croissante, entre les consommateurs de gaz naturel et de mazout en bas de l’échelle des revenus est injustifiable ; une fois de plus c’est là le résultat de ce qu’on n’a pas adapté une mesure mise en place dans un contexte donné alors que l’environnement socio-économique a évolué ; il ne saurait en être autrement quand on n’a pas une vision globale, cohérente et dans la durée de la politique énergétique ;
  • les mesures prises ont réduit les écarts pour la période courante mais il s’agit d’un one-shot ; ces écarts sont appelés à rester élevés dans les mois qui viennent ;
  • une fois de plus un ciblage et une cohérence s’imposaient, puisque pour les consommateurs « normaux », le prix du gaz est – pour un même niveau de consommation – plus élevé que le prix du mazout ; les mesures prises pour les consommateurs « normaux » aboutissent à donner plus à ceux qui paient moins cher ! ;
  • la discrimination dénoncée ici concerne proportionnellement beaucoup plus la Wallonie puisque les utilisateurs de mazout y sont sur-représentés par rapport aux deux autres régions, comme le montre le tableau suivant.

Prendre des mesures pour garantir structurellement une équité de traitement entre les utilisateurs de gaz naturel et de mazout en bas de l’échelle des revenus apparaît donc être indispensable ; une solution simple – on se demande pour quoi on y a pas pensé – réside dans une adaptation dynamique des ristournes du Fonds chauffage. 

Plus de développements dans la note jointe.

Philippe Defeyt.

L’insuffisante protection du pouvoir d’achat des salariés

jeudi, janvier 27th, 2022

Garantir l’indexation des salaires bruts est une bonne chose ; mais le débat public devrait s’intéresser un peu plus à l’indexation des salaires nets, dans la mesure où, en cours d’année, les salaires nets augmentent moins que les salaires bruts ; c’est en quelque sorte une « taxe d’inflation ». C’est la raison pour laquelle il est proposé d’harmoniser les modalités d’indexation des salaires et des barèmes fiscaux.

Cette note de l’IDD se penche sur l’évolution du pouvoir d’achat dans le monde réel.

Hors augmentation salariale, l’évolution du pouvoir d’achat dans le monde réel dépend de beaucoup de paramètres : dynamique d’évolution des prix entre deux indexations, écart entre l’évolution de l’indice-santé lissé qui gère les indexations et celle de l’indice des prix à la consommation, dates et modalités d’indexation du salaire brut, adaptation des montants et seuils de l’IPP (précompte professionnel) au début de chaque année ; en outre, les temporalités ne sont pas les mêmes ; en bref : la cohérence n’est pas au rendez-vous.

Sur base de situations concrètes étudiées par l’IDD, on peut conclure que, toutes choses égales par ailleurs,

  • le pouvoir d’achat est érodé en cours d’année en cas d’indexation du salaire brut parce que le barème fiscal n’est indexé qu’une fois l’an ;
  • la hauteur de l’impact négatif de la non indexation du barème fiscal en cours d’année est différent d’une convention collective à l’autre (en fonction des modalités d’indexation et du nombre d’indexations en cours d’année) ;
  • le taux d’indexation appliqué aux montants et seuils fiscaux ne correspond pas nécessairement à l’évolution nominale des salaires en cours d’année, qui est propre à chaque convention collective ;
  • en tout état de cause, entre deux indexations, le pouvoir d’achat est réduit à due concurrence de l’évolution des prix.  

Tenant compte de l’analyse, la meilleure formule serait une harmonisation des modalités d’indexation des salaires et des barèmes fiscaux.

Concrètement, la proposition serait d’indexer les salaires et les barèmes fiscaux chaque semestre, sur base de la même référence, permettant ainsi de limiter l’érosion du niveau de vie ; dans la foulée, le barème fiscal appliqué lors de l’enrôlement serait la moyenne des deux derniers barèmes semestriels.

Une telle proposition rend les choses simples, cohérentes et rapproche les temporalités de toutes les indexations. Dans la foulée, ce mécanisme pourrait servir à l’indexation de diverses dépenses publiques, comme par exemple les subsides régionaux aux secteurs sociaux, les transferts du fédéral vers les régions et communautés, les bourses d’études, etc., etc., mais aussi, bien sûr, des prestations sociales.

Certes, on pourrait penser que tout ceci n’est pas nécessaire, dès lors qu’à terme les différentes indexations sont supposées converger ; outre que ce n’est pas nécessairement garanti, ce qui est le plus important c’est l’évolution du salaire net en cours d’année.

Plus dans la note disponible ici.

Philippe Defeyt

La fiscalité des petits salaires | Belasting van lage lonen

dimanche, mai 9th, 2021

(in het nederlands hieronder)

Il n’est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir

L’augmentation de la quotité exemptée d’impôt figure en bonne place sur la liste des propositions visant à augmenter le revenu disponible en bas de l’échelle des salaires.

Aussi convaincante et légitime qu’elle puisse être, cette proposition n’a cependant aucun impact ou un impact limité sur le net de nombreux petits salaires.

Continuer à avancer cette proposition comme solution pour (tous) les petits salaires relève au mieux de la méconnaissance des mécanismes fiscaux, au pire d’une forme de tromperie (le véritable objectif serait-il d’augmenter le net pour des catégories de travailleurs plus aisées ?).

Si on veut vraiment augmenter le net de tous les petits salaires via l’impôt, il faut passer par des crédits d’impôt intégralement et immédiatement remboursables, quitte à ce que le précompte professionnel soit négatif.

Plus dans la note jointe.

Philippe Defeyt

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Niemand is zo blind als degene die niet wil zien

Het verhoging van het belastingvrij minimum staat hoog op de lijst van voorstellen om het beschikbare inkomen aan de onderkant van de loonschaal te verhogen.

Hoe overtuigend en legitiem dit voorstel ook moge zijn, het heeft weinig of geen gevolgen voor het netto-inkomen van veel mensen met een laag loon.

Dit voorstel naar voren blijven schuiven als een oplossing voor (alle) mensen met een laag loon is op zijn best een miskenning van belastingmechanismen, op zijn slechtst een vorm van misleiding (is het werkelijke doel het nettoloon voor meer comfortabele werknemers te verhogen ?).

Als we het netto-inkomen van alle mensen met een laag loon echt willen verhogen door middel van belastingen, moeten we gebruik maken van heffingskortingen die volledig en onmiddellijk terugbetaalbaar zijn, zelfs als dat betekent dat de bedrijfsvoorheffing negatief wordt.

Meer in de bijgevoegde nota.

Philippe Defeyt