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La crise n’a pas entamé la générosité des belges

vendredi, octobre 31st, 2014

Introduction

En 2010 l’Institut pour un Développement Durable publiait une note présentant des « Indicateurs de la générosité des belges ». La présente note a pour objet d’actualiser certains indicateurs financiers.

L’introduction de l’étude de 2010 garde toute sa pertinence : « On peut être généreux d’innombrables manières : faire un cadeau exceptionnel à ses enfants, transporter un voisin âgé à l’hôpital, faire un don suite à une catastrophe humanitaire, acheter du chocolat pour soutenir une association, payer pour des animations dans le cadre d’une fancy-fair, participer à une soirée de mécènes, mettre ses compétences à la disposition d’un comité de parents, assurer une permanence pour un Groupement d’Achat Solidaire, participer à l’animation d’un quartier ou d’une paroisse, visiter des malades, des personnes âgées ou des détenu(e)s, etc. On peut aussi l’être plus ou moins dans la manière d’exercer son métier. »

Dans ce contexte la présente note s’intéresse à deux indicateurs majeurs, mais non exhaustifs, de la générosité financière, à savoir les statistiques des libéralités fiscales et les statistiques collectées par des ASBL qui collationnent les dons aux principales ONG belges de coopération au développement.

On notera qu’en l’absence d’une étude récente sur l’affectation du temps des belges il n’est pas possible d’actualiser les données sur la générosité en « temps donné ». Dommage…

Les libéralités fiscales

« Depuis le 1er janvier 2011, les libéralités doivent atteindre au moins 40 euros pour être fiscalement déductibles. Seuls les dons faits à des organismes habilités à délivrer des attestations fiscales sont déductibles. L’augmentation du montant minimum (qui était précédemment de 30 €) résulte de l’indexation du montant de base.

Lorsque vous faites un don, il vous est possible, à certaines conditions, de le déduire de vos impôts sur le revenu. (…) votre don doit être d’au moins 40 euros par institution et par an. (…) Vous ne devez pas forcément verser 40 euros en une fois, les paiements peuvent être étalés sur l’ensemble de l’année civile. »

Chaque don rencontrant ces conditions donne droit à une réduction fiscale égale à 45%. Autrement dit si vous donnez 100€, le fisc vous en « rembourse » 45.

Les libéralités fiscales dans la durée

L’évolution des libéralités fiscales montre que

  • le maximum historique a été atteint en 2012 avec un total de 174 millions (aux prix de 2014)
  • les trois dernières années pour lesquelles on dispose de données sont des crus exceptionnels, en particulier pour 2010 et 2012, malgré la crise économique qui a débuté en 2008
  • même s’il est difficile d’isoler les différents facteurs explicatifs de ces évolutions on peut penser que, contrairement aux craintes exprimées à l’époque, le relèvement en 2011 de 30 à 40 € par an du minimum de libéralités pour bénéficier de l’avantage fiscal n’a pas eu d’effet négatif sur les dons
  • si la tendance générale est à l’augmentation, les libéralités fiscales connaissent d’importantes fluctuations à la hausse – liées à des événements exceptionnels comme le tsunami de fin 2004, avec hausse des dons en 2005, ou le tremblement de terre en Haïti en 2010 – suivies d’un recul.

Au vu de la corrélation élevée et significative qui existe entre les évolutions des montants des libéralités fiscales et des dons comptabilisés par le consortium ong.livre-ouvert qui publie les dons faits aux ONG belges de coopération au développement, on peut penser que les libéralités fiscales seront encore orientées à la hausse entre 2012 et 2013. Les dons faits à ces ONG ont en effet augmenté de 9% entre 2012 et 2013.

Sur le long terme (période 1995-2012), la croissance des libéralités fiscales dépasse celle du revenu disponible total des ménages. Les performances de 2010 à 1012 sont d’autant plus remarquables que le revenu disponible réel des ménages est alors en recul.

Par contre, sur le long terme la libéralité moyenne par contribuable donateur tend à décroître, passant d’environ 300 € à 230 €.

Au cours des années récentes on constate que libéralité moyenne et pourcentage de contribuables donateurs évoluent de manière opposée : la libéralité moyenne diminue quand le nombre de donateurs augmente et inversement.

Les observations ci-dessus confirment l’analyse faite par l’Institut ITINERA pour le compte de la Fondation Roi Baudouin : « L’Index de Philanthropie souligne (…) que la philanthropie se trouve les dernières années dans une spirale ascendante. »

Les libéralités fiscales en fonction du niveau du revenu imposable

La proportion de contribuables donateurs augmente avec le niveau du revenu imposable. Mais même au-delà du million de revenu imposable la proportion est inférieure à 60% ! Mais peut-être ces riches sont-ils généreux autrement, par exemple en créant des fondations.

Par contre, le don moyen n’augmente pas dans de mêmes proportions. En effet, la libéralité moyenne par contribuable donateur se situe aux environs de 250 € pour toutes les tranches de revenu imposable situées entre 10.000 € et 75.000 €. Elle passe à un peu plus de 500 € pour la tranche de revenu imposable situé entre 150 et 250 mille €. La libéralité moyenne est de 1.359 € pour la tranche de revenu imposable entre 250.000 € et un million et de 5.923 € au-delà du million €.

Tenant compte des deux évolutions, on ne s’étonnera pas que la libéralité représente un pourcentage décroissant du revenu disponible : on passe d’environ 2,3% pour la tranche de revenu imposable de 5.000 à 10.000 € à environ 0,4% (!) pour la tranche de revenu imposable supérieur à un million €.

En guise de conclusion

Au total:

  • on doit se réjouir que la crise semble ne pas avoir affecté la générosité (financière) des belges, même si au cours des années récentes elle a été stimulée par des événements dramatiques, ce qui ne garantit pas nécessairement une générosité durablement élevée ;
  • entre 2010 et 2012 on assiste à une réduction de la proportion de contribuables donateurs ; effet de la crise qui réduit peu ou prou le groupe des donateurs potentiels à ceux qui n’ont pas été affectés par la crise, je ne sais pas, mais l’hypothèse mérite je pense d’être testée ;
  • même si des efforts sont entrepris pour les combler on doit constater les nombreuses lacunes statistiques concernant la générosité, les deux principales étant :

> pas d’enquête récente sur le volontariat, qui est un don en temps

> peu d’enquêtes approfondies sur les motivations et les comportements des donateurs (potentiels).

Dommage.

Philippe Defeyt

Voir la note jointe pour plus de détails.