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Ménages et logements en Wallonie – Un exercice prospectif 2013-2026

mardi, août 27th, 2013

La publication en 2008 par le Bureau fédéral du plan des perspectives démographiques 2007-2061 a suscité l’étonnement de nombreux observateurs et citoyens. Elles annonçaient en effet une augmentation de la population qui a surpris dans la mesure où très nombreux étaient ceux qui n’avaient pas pris conscience de l’importance des flux migratoires, notamment en provenance du continent européen.

Depuis lors, à deux reprises, le Bureau fédéral du Plan a revu à la baisse l’augmentation de population wallonne, même si elle reste importante. Les Perspectives démographiques 2011-2061 prévoient ainsi une augmentation de la population wallonne de 250.000 personnes entre 2013 et 2026.

Dans cette perspective, la dernière note de l’Institut pour un Développement Durable a pour objectif de mesurer l’impact de l’augmentation de la population sur le nombre de ménages et sur l’activité dans la construction résidentielle.

Les ménages

La taille moyenne des ménages baisse depuis longtemps. Depuis 1991, la taille moyenne des ménages privés est passée, en Wallonie de 2,49 à 2,29 personnes/ménage.

L’analyse de l’Institut pour un Développement Durable conduit à penser que la taille moyenne des ménages va continuer à baisser, mais moins vite qu’avant. Pour débroussailler les perspectives des années à venir, on a développé trois scénarios d’évolution de la taille moyenne des ménages.

Le scénario moyen, qui résume ces trois scénarios, envisage que la taille moyenne des ménages passerait de 2,28 à 2,24 personnes/ménage entre 2013 et 2026.

Peuvent expliquer une baisse ralentie de la taille des ménages :

  • des perspectives socio-économiques moins souriantes, qui font, par exemple, que de jeunes adultes restent  plus longtemps dans le logement familial
  • l’augmentation du coût du logement
  • l’évolution des mÅ“urs et représentations en matière de logement (co-locations, accueil familial de    personnes âgées…)
  • le vieillissement socio-démographique qui, à la fois, augmentera le nombre de personnes se retrouvant seules mais en même temps incitera certaines personnes seules à se regrouper ; c’est ainsi, par exemple, que l’on voit aujourd’hui des personnes d’une cinquantaine d’années retourner, pour diverses raisons, chez leurs parents ou un des deux parents.

Ceci implique, dans le scénario moyen, que le nombre de ménages augmenterait de 161.000 entre 2011 et 2026 alors que l’IWEPS prévoyait lui, mais sur base d’autres projections démographiques, une hausse de 201.000 du nombre de ménages sur la même période.

L’activité dans la construction résidentielle

Toutes choses égales par ailleurs il faudra des logements supplémentaires pour abriter ces ménages (constructions totalement neuves ou utilisation de bâtiments existants : reconversion d’anciens bureaux ou bâtiments industriels, « découpage » de logements existants, etc.).

Dans un premier temps, l’Institut pour un Développement Durable a fait l’hypothèse que tous les nouveaux logements nécessaires seraient couverts par de nouvelles constructions. Malgré l’augmentation du nombre de ménages, cette hypothèse débouche – dans le scénario moyen – sur un recul d’environ 5% de l’activité dans la construction résidentielle par rapport à l’activité observée pendant la période 2000-2013.

Chiffres-clé – scénario moyen

Nombre de ménages – croissance annuelle moyenne

2000-2013 : + 12.700 2014-2026 : + 10.700

Mises en chantier de logements neufs – moyenne annuelle

2000-2013 : 11.700 2014-2026 : 11.100

Certes, ce scénario présente des variantes et divers impondérables peuvent augmenter ou diminuer le nombre de logements mis en chantier. Mais, au total, je pense que le scénario le plus probable pour les années à venir implique

-      une baisse ralentie de la taille moyenne des ménages,

-      une augmentation ralentie du nombre de ménages

-      une baisse de l’activité annuelle moyenne dans la construction de nouveaux logements par rapport à la moyenne annuelle observée entre 2000 et 2013,

-      une baisse structurelle de la superficie moyenne des logements (plus de logements pour 1 ou 2 personnes – par exemple les résidences-service – et baisse générale liée aux contraintes financières des ménages et aux coûts de construction).

Plus encore qu’aujourd’hui il faudra donc stimuler la rénovation et la modernisation énergétique du stock existant de logements, à la fois pour soutenir l’activité dans le secteur et accélérer l’adaptation du parc de logements au défi énergétique. L’Alliance Emploi-Environnement devra donc d’une manière ou d’une autre être prolongée, ne serait-ce que pour maintenir un niveau d’activité satisfaisant dans le secteur de la construction résidentielle.

L’exercice prospectif de l’Institut pour un Développement Durable constitue un point de départ plus qu’une conclusion, encore moins une conclusion « définitive ».

De nombreuses questions doivent être explorées plus avant pour mieux évaluer la dynamique logements/ménages et l’ampleur et les caractéristiques des demandes qui seront adressées au secteur de la construction résidentielle. Les réponses à ces questions permettront de mieux calibrer la politique du logement.

En voici quelques-unes de questions :

  1. Quelle est l’articulation entre l’évolution du nombre de ménages et celle du nombre de logements ? Par exemple, le manque de logements à un prix abordable tend-t-il à réduire la constitution de nouveaux ménages ?
  2. Quel est l’impact des flux migratoires sur l’évolution de la taille moyenne des ménages et sur la demande résidentielle (location ou achat, taille et nature des logements…) ?
  3. Comment rencontrer au mieux les besoins en forte hausse des personnes seules ? Par exemple comment rencontrer les besoins de jeunes quand ils sont seuls en début de vie active ? Autre exemple : comment inciter plus de personnes âgées seules à occuper (volontairement) de plus petits espaces, surtout quand la charge (entretien et réparations) de leur logement devient trop lourde, soit en migrant vers des résidences-services (ou formules équivalentes) soit en accueillant dans leur logement devenu trop grand d’autres personnes ?
  4. Comment va évoluer la taille moyenne des logements ? Quelle est la part de contrainte et quelle est la part de, par exemple, la recherche d’une plus grande sobriété ?
  5. Comment évolueront et seront rencontrés les besoins de catégories spécifiques : étudiants (notamment étrangers), personnes âgées dépendantes… ? La manière dont ces besoins seront rencontrés influencera notamment le taux d’utilisation du stock de logements existants et le besoin de nouveaux logements.
  6. Quelle est le nombre et la localisation des bâtiments autres que des logements susceptibles d’être transformés en tout ou en partie en logements ?
  7. Comment maîtriser mieux les coûts de construction ? En particulier pour les maîtres d’œuvre tenus par des marchés publics comment réduire le surcoût qui semble lié à cette procédure ? Comment aussi maîtriser le coût du foncier ? Comment notamment optimaliser l’occupation des « friches » urbaines ?
  8. Comment faire évoluer le dispositif de prise en gestion de logements inoccupés pour le rendre plus efficace et plus rapide à mettre en œuvre ?
  9. Quelles sont les éventuelles différences sous-régionales en matière de rencontre entre l’offre et la demande de logements ?

Pour ce qui est de l’effort spécifique des pouvoirs publics dans l’offre de logements, il existe d’autres moyens que l’investissement direct pour rencontrer l’objectif (minimal) de 10% de logements publics, notamment l’imposition de charges urbanistiques et la prise en gestion par des agences immobilières sociales ou autres institutions.

Il est temps, en Wallonie, d’arrêter de confondre logements publics et logements sociaux. S’il faut, pour les ménages à petits revenus, un parc de logements aux loyers fortement réduits, on peut aussi imaginer la mise en place d’un parc de logements publics à loyers modérés, qui aurait l’avantage de peser moins sur les finances publiques tout en allégeant la charge du loyer dans les budgets des ménages à revenus moyens. Le développement d’un tel parc serait d’autant plus important que l’accès à un logement à un prix correct restera difficile dans certaines zones et/ou pour certains types de ménages, en particulier les personnes seules.

Ces quelques éléments d’une prospective dont l’objectif est avant tout de lancer la discussion pourront, je l’espère, contribuer à orienter le mieux possible l’utilisation des compétences et l’activation des moyens budgétaires dont la Wallonie va bientôt hériter en matière de logement.

Voir le texte complet en cliquant ici …

L’état des statistiques en Belgique : des améliorations sont indispensables

mardi, août 13th, 2013

Le quiz de l’été :

  1. Combien y a-t-il de chômeurs en Belgique ? Comme on ne le sait que trop bien, cela dépend. Réponse(s) ci-après.
  2. De combien a baissé l’emploi des jeunes depuis 2008 : -21.000 pour l’Enquête sur les forces de travail, -37.000 selon d’autres sources.
  3. Quels sont les revenus mobiliers des belges ? 12 € (!) par mois en moyenne en 2010 si l’on en croît l’Enquête sur le budget des ménages.
  4. Combien y a-t-il d’expulsions domiciliaires par an en Belgique ? Nul ne le sait, personne n’ayant exploité à ce jour l’information disponible dans les justices de paix.
  5. Quel est le revenu fiscal moyen des ménages ? On pourrait calculer cette information à partir des déclarations fiscales et du registre national mais la Commission de protection de la vie privée s’y oppose.
  6. Quelle est la consommation électrique en kWh des ménages privés par niveau de revenu ? Nul ne le sait. On a tout au plus de vagues estimations alors que la mise en commun de plusieurs sources statistiques permettrait de répondre à cette question cruciale dans les débats de l’heure.
  7. Combien y a-t-il d’analphabètes en Belgique ? Le pourcentage toujours cité – 10% – ne repose sur aucune étude !
  8. Combien d’enfants sont-ils « Ã©levés » dans une grande mesure par leurs grands-parents ? A-t-on déjà songé à investiguer cette question comme on l’a fait, par exemple, aux États-Unis ?

Partant de ces questions et de quelques autres, la dernière note de l‘Institut pour un Développement Durable propose des constats sur l’appareil statistique belge et formule des recommandations pour l’améliorer.

Cliquez ici pour la télécharger

2008-2012 : un marché du travail prévisible et étonnant à la fois

mardi, juillet 9th, 2013

Les données disponibles sont maintenant suffisantes pour décrire et comprendre un peu mieux le marché du travail pendant la période de crise 2008-2012.

La dernière note de l’Institut pour un Développement Durable (jointe à cet envoi) propose une analyse de quelques évolutions significatives du marché du travail belge.

Trois constats globaux d’abord :

1. Malgré la crise l’emploi global a augmenté (+ 90.000 entre 2008 et 2012), même si c’est de très peu entre 2011 et 2012 (+ 7.000).

2. La population active ayant augmenté plus vite que l’emploi, le chômage tel que défini par le Bureau du Plan a lui aussi augmenté.

3. Au total le taux d’emploi a très légèrement régressé et le taux d’activité est resté stable.

Comme pour les années « d’avant la crise », on notera que les chiffres auraient été plus mauvais si l’ONEM ne finançait pas des mesures en matière de chômage temporaire (étendu aux employés en début de période de crise) et d’aménagement du temps de travail. On notera cependant une quasi-stagnation du nombre de travailleurs qui aménagent leur temps de travail entre 2011 et 2012, ce qui préfigure, peut-on supposer, une stagnation de plus longue durée (les causes : impact de la crise sur les choix individuels et restrictions apportées aux possibilités d’aménagement).

Pour ce qui est des évolutions sectorielles de l’emploi, les constats sont les suivants :

1. L’agriculture continue à perdre des emplois.

2. L’industrie a souffert très fort de la crise (-56.000 emplois) entre 2008 et 2012.

3. La construction s’en sort plutôt bien.

4. C’est uniquement grâce aux secteurs d’activités abondamment voire totalement financés par l’Etat (titres-services, santé et social, notamment dans le secteur des maisons de repos et les hôpitaux, l’enseignement…) que l’emploi global augmente.

D’une manière générale ces évolutions récentes ne laissent pas augurer d’une remontée très forte de l’emploi dans les deux ou trois années à venir :

1. La croissance attendue dans un contexte de compétition internationale exacerbée et de progrès technologiques continus ne laisse pas augurer d’un redressement de l’emploi manufacturier. C’est même à de nouvelles réductions d’emplois nettes qu’il faut s’attendre.

2. Le secteur financier poursuit sa (longue) convalescence.

3. Les contraintes budgétaires empêcheront une nouvelle progression de l’emploi non-marchand ou fortement subsidié (sauf peut-être encore un peu dans les titres-services).

4. Par contre le secteur de la construction, soutenu notamment par la nécessaire extension du parcs de logements, pourrait voir l’emploi se développer quelque peu.

Deux tendances observées depuis longtemps ont perduré au travers de ces années de crise :

1. Une augmentation de l’emploi à temps partiel, qui concerne désormais près de la moitié des salariées (46% exactement).

2. Une augmentation du temps de travail moyen des salariés à temps partiel. En 2000, le temps de travail des salariés à temps partiel était de 22,5 heures/semaine ; il est aujourd’hui de 24,2 heures/semaine.

On observera aussi, par ailleurs, la poursuite de la féminisation de l’emploi. L’augmentation de la proportion de femmes est particulièrement marquée pour les 50 ans et plus.

Les évolutions du marché du travail par âge sont plus étonnantes, non dans le sens des évolutions mais bien dans l’ampleur de celles-ci. Deux évolutions sont marquantes :

  • un recul sévère de l’emploi des moins de 25 ans (pratiquement -10% entre 2008 et 2012)
  • une augmentation très importante de l’emploi des plus de 50 ans : + 157.000 emplois !

Une conclusion s’impose avec force. Les moins de 40 ans et plus encore les moins de 25 ans voient leur taux d’emploi et leur taux d’activité reculer. Le taux de chômage de ces deux catégories d’âge augmente fort (surtout pour les moins de 25 ans), alors qu’il augmente très peu pour les 40 ans et plus. Il baisse même entre 2011 et 2012 pour les 50-64 ans.

Une reprise économique pourra probablement atténuer quelque peu cette forme de dualisation sur le marché du travail. Mais elle risque de perdurer quelque temps encore.

Pour télécharger la note complète, cliquez ici.

L’emploi en titres-services : mise en perspective et mises au point

mardi, mars 12th, 2013

Le succès du système des titres-services est indéniable.

Et les déclarations sur l’ampleur et la croissance de l’emploi qui découlent de ce succès ne manquent pas.

Les créations d’emplois sont de fait très importantes. Mais encore faut-il les mesurer correctement.

Après avoir rappelé la croissance de l’activité en titres-services, la dernière note de l’Institut pour un Développement Durable se penche en détail sur le niveau d’emploi en titres-services et sur l’augmentation de l’emploi depuis la mise en route du système des titres-services.

Elle se conclut sur une ré-estimation du coût brut et du coût net par emploi crée dans le système des titres-services.

Les principaux constats de l’Institut pour un Développement Durable sont les suivants :

  • en tendance, le nombre de titres-services remboursés a atteint fin 2012 le niveau de 10 millions par mois
  • malgré un rattrapage progressif, la part de la Wallonie dans les titres-services remboursés atteint à peine 22% ; Bruxelles, au contraire, « surconsomme » en termes relatifs
  • en 2012, les ménages belges ont acheté quasiment 1 milliard de titres-services, soit pratiquement 0,5% de leur revenu disponible
  • le niveau d’emploi est inférieur aux données le plus souvent citées, notamment par certains responsables politiques (voir par exemple les 170.000 emplois évoqués par la ministre fédérale de l’emploi en mars 2012)
  • sur base d’une méthodologie plus appropriée on peut estimer à 113.200 l’emploi moyen en 2012
  • in 2012 il y avait environ 116.500 emplois en titres-services
  • dans le secteur privé, l’activité des titres-services a contribué à concurrence de 44% des créations nettes d’emplois entre 2004 et 2012
  • entre 2008 et 2012, l’emploi dans le secteur privé aurait stagné sans l’augmentation de l’emploi en titres-services
  • le temps de travail moyen dans le secteur est d’environ un 3/5 temps
  • le coût net pour les finances publiques du système des titres-services est estimé à environ 15.000 €/an par emploi équivalent temps-plein.

Au moment où les moyens d’action publics consacrés aux titres-services vont être régionalisés, peut-être y a-t-il lieu d’examiner la meilleure affectation possible des importants montants budgétaires ainsi injectés dans l’économie (1,615 milliard € en 2013, hors dépense fiscale).

A mon estime, deux autres secteurs au moins sont susceptibles de générer des effets sur l’emploi du même ordre de grandeur et de proposer des emplois de meilleure qualité, tout en rencontrant des besoins souvent vus comme essentiels : les maisons de repos et de soins et le secteur des aides-familiales, aides-ménagères, etc.

Pourvu, en tout cas, qu’il y ait au moins un débat sur ces questions et qu’il s’appuie sur des évaluations en matière d’emploi, de retombées sur les dépenses sociales, etc., qui tiennent la route. Cette note a pour seul objectif d’alimenter ce débat, non de le trancher.

Le lecteur intéressé trouvera plus de précisions dans la note jointe.

Les salaires en Belgique : quelques données

lundi, janvier 14th, 2013

Fin 2012 le SPF Economie a publié les résultats de l’Enquête sur les salaires 2010. Le résultat le plus important était qu’en 2010 un salarié employé à temps plein gagnait en moyenne € 3.103 brut par mois.

Cette enquête est certes intéressante mais présente plusieurs limitations :

  1. Les données ont deux ans de retard.
  2. Elles concernent uniquement les travailleurs à temps plein dans les entreprises de 10 personnes et plus.
  3. Toutes les composantes de la rémunération ne sont pas prises en compte.
  4. Enfin, des secteurs grands pourvoyeurs d’emploi (les administrations publiques, l’enseignement, les soins de santé et autres services aux personnes) ne sont pas couverts par cette enquête.

Afin de pallier, en partie, à ces limitations, la dernière note de l’Institut pour un Développement Durable propose plusieurs indicateurs complémentaires en matière de salaires.

Téléchargement de la note

Le point sur les jeunes qui bénéficient d’un revenu d’intégration « Ã©tudiant »

jeudi, octobre 25th, 2012

La campagne pour les communales d’octobre 2012 a été l’occasion pour certains médias de revenir sur la thématique des jeunes qui bénéficient d’un revenu d’intégration (RI) « Ã©tudiant ». La présente note a pour objectif de replacer le RI « Ã©tudiant » dans son contexte réglementaire et de faire le point, par région et par commune, de son importance relativement au nombre de jeunes bénéficiaires du RI.
Pour télécharger la note: cliquez ici
Pour télécharger le fichier de données sur les étudiants néerlandophones: cliquez ici.

Des concepts pour préparer l’adaptation aux changements climatiques

jeudi, octobre 18th, 2012

Les changements climatiques nous confrontent à deux défis complémentaires : d’une part l’atténuation des effets que nous exerçons sur le climat (essentiellement par la diminution des émissions nettes de gaz à effet de serre) et d’autre part l’adaptation aux changements climatiques, qui se présentent ou s’annoncent malgré tout.
La présente contribution s’intéresse à ce deuxième volet, car il figure déjà parmi les priorités des pays les plus vulnérables et va probablement s’imposer de manière plus universelle. Elle a pour objet d’interroger et de préciser les concepts clés susceptibles d’être utiles pour la préparation de projets et programmes d’adaptation.

Jean-Paul Ledant

Salaire + allocations sociales = l’impossible équation ?

mercredi, septembre 5th, 2012

De nombreux interlocuteurs sociaux ont donné récemment des interviews concernant les dossiers du futur Accord interprofessionnel. Dans cette perspective la dernière étude de l’Institut pour un Développement Durable revient sur la problématique des « pièges financiers » ou « pièges à l’emploi ».

On appelle « pièges financiers » ou « pièges à l’emploi » toute situation où le fait de passer du statut d’allocataire social à celui de travailleur (le cas échéant à temps partiel) débouche sur une très faible augmentation du revenu disponible net, voire une baisse de celui-ci.

Par rapport à cette problématique, l’étude de l’Institut pour un Développement Durable vise 3 objectifs :

  1. Affiner le calcul des pièges financiers en tenant compte que de plus en plus d’emplois proposés sont des emplois à temps partiel.
  2. Comparer les situations respectives des chômeurs et des bénéficiaires du droit à l’intégration sociale.
  3. Proposer quelques orientations et mesures pour rencontrer (un peu) mieux cette problématique.

Un constat accablant

Si l’on tient compte des frais encourus pour aller travailler, en particulier les frais de déplacement et de garde d’enfants, trouver ou retrouver un emploi est rarement intéressant sur le plan financier. Dans certaines situations, en particulier en cas d’emploi à temps partiel, la personne concernée peut même voir son revenu disponible diminuer !

Deux catégories de personnes/ménages sont surtout concernées : les chômeurs et les bénéficiaires du droit à l’intégration sociale.

On constate aussi que les chômeurs et les bénéficiaires du droit à l’intégration sociale (anciennement minimexés) ne sont pas traités de la même manière quand ils (re)touvent un job, en particulier pour les emplois qui représentent moins d’un 4/5ièmes.

Compléments d’analyse

Pour l’essentiel, ces résultats confirment les calculs et les conclusions d’autres travaux de même nature. Complétons l’analyse avec cinq considérations :

  1. On ne dira jamais assez que ce n’est pas parce qu’il y a perte de revenu disponible net que les personnes concernées ne (re)prendront pas un job.
  2. Ces calculs confirment que ce sont souvent les parents seuls pour qui la (re)mise au travail est financièrement la moins intéressante.
  3. Les hypothèses retenues par l’étude sont globalement « conservatoires ». Dans beaucoup de cas en effet, le coût total de la (re)mise à l’emploi est plus important que celui pris en compte ici.
  4. Les mesures décidées en juillet 2012 (au mieux 15 €/mois en plus de revenu disponible) apparaissent d’autant plus insuffisantes. Il est évident qu’elles ne changent pas fondamentalement la donne pour les arbitrages travail/non travail.
  5. On ne comprend pas pourquoi les « logiques » à l’œuvre sont différentes pour les chômeurs et les bénéficiaires du revenu d’intégration.

Que faire alors ?

A première vue la solution est (techniquement) simple : garantir que tout travailleur voie son revenu disponible augmenter en gardant au moins une partie du salaire gagné.

  1. Cette approche peut rapidement être très coûteuse pour les finances publiques.
  2. C’est la raison pour laquelle beaucoup de propositions de réforme envisagent un incitant qui diminue en fonction du temps de travail. Mais une telle approche risque d' »enfermer » les personnes concernées dans un emploi à temps partiel.
  3. Un système amélioré d’incitant au travail peut avoir des effets pervers sur la formation des salaires.
  4. Mais, surtout, tout système d’incitant(s) à la (re)mise au travail de bénéficiaires d’allocations de chômage ou du revenu d’intégration risque de créer des iniquités entre travailleurs. En effet, deux travailleurs dans des situations semblables auront un revenu global différent suivant qu’ils seront passés ou pas par la case ONEM ou CPAS.

Seul un système d’allocation universelle permet de dépasser ces limites. A défaut, certaines réformes peuvent améliorer la situation actuelle. Voici quelques orientations et mesures :

  1. Quel que soit le dispositif mis en place il doit traiter de manière semblable et équitable les chômeurs et les bénéficiaires du revenu d’intégration.
  2. Si on s’inspire du système de l’allocation de garanti de revenus, on peut y apporter les améliorations suivantes :

    a) tenir compte au minimum des frais professionnels

    b)être conçu de manière à ce que le revenu global ne baisse jamais.

  3. Il est possible de limiter ou de supprimer la perte d’avantages sociaux sur base de trois principes :
  4. a) pas de « tout ou rien » ; la « disparition » d’avantages sociaux doit se faire progressivement, pas passer de 100% à 0% une fois un seuil franchi

    b) l’octroi de tous les avantages sociaux devrait se faire sur base des revenus, non du statut

  5. mettre en place des dispositions sociales neutres par rapport aux revenus et au statut.
  6. Enfin, l’individualisation des allocations sociales devrait éviter de pénaliser d’autres personnes du ménage en cas de (re)mise au travail.

Une dernière hypothèse doit ici être examinée : augmenter les bas salaires, en tout cas en net. Certes, mais cette solution :

  • risque de coûter plus cher encore que les autres pistes évoquées ci-dessus (en termes budgétaires certainement, en termes d’emplois peut-être)
  • elle ne changerait pas fondamentalement la situation en l’état actuel de la législation puisque les allocations versées dépendent de la hauteur du salaire.

Cette piste peut évidemment être suivie mais pour d’autres raisons, en particulier une meilleure distribution primaire des revenus.

Dans le cadre de la logique actuelle des transferts et avantages sociaux, il n’est pas possible d’apporter une solution idéale et globale au problème des pièges financiers. Mais on peut déjà apporter de notables améliorations qui, de plus, pour certaines, profiteraient à tout le monde. On pense notamment aux réformes qui visent à lier les avantages et allocations au revenu plutôt qu’au statut (par exemple pour les allocations familiales majorées) et à la mise en place de dispositifs généraux neutres par rapport aux revenus et aux statuts (par exemple : une tarification progressive du gaz et de l’électricité).

Le lecteur intéressé trouvera plus de détails dans la note jointe.

La montée en puissance des énergies fossiles non conventionnelles : risque(s) ou opportunité(s) ?

lundi, août 13th, 2012

La montée en puissance des énergies fossiles non conventionnelles reste, en Belgique en tout cas, largement méconnue. Ses conséquences potentielles le sont donc aussi.

La dernière publication de l’Institut pour un Développement Durable pour ambition de contribuer à susciter une prise de conscience plus large qu’aujourd’hui et d’alimenter un débat public qui tarde à s’épanouir comme il le devrait au vu de l’importance des enjeux.

Qu’appelle-t-on énergies fossiles non conventionnelles ?

Même si la typologie n’est pas totalement stabilisée ni identique d’une source à l’autre, on peut considérer qu’on appelle énergies fossiles non conventionnelles les principales sources suivantes :

Pétrole : pétrole de schiste, pétrole issu de sables bitumeux et autres pétroles extra-lourds, produits issus de la transformation du charbon, du gaz et de la biomasse (biocarburants).

Gaz : gaz de schiste (shale gas), gaz de houille (coal bed methane), dont l’appellation traditionnelle est grisou, gaz (de réservoir) compact ou gaz de réservoirs étanches (tight gas), catégorie aux limites floues avec le gaz de schiste et le gaz conventionnel et hydrates de méthane, source non exploitée à ce jour.

Si on ajoute aux sources non conventionnelles déjà exploitées et potentielles la mise en exploitation du continent arctique et l’extension des forages en haute mer, l’offre d’énergies carbonées hors charbon (re)devient (très) abondante, en tout cas par rapport aux estimations précédentes. Il est remarquable que cette augmentation de l’offre pourrait se faire en par­tie à des coûts (relativement) faibles, voir très modestes par rapport aux prix actuels du pétrole.

De multiples conséquences et enjeux

Les conséquences de ces évolutions sont multiples, sachant qu’à court-moyen terme ce sont surtout les gaz non conventionnels qui vont bouleverser la donne :

1. Conséquences géostratégiques : la principale est l’augmentation du nombre de pays pro­ducteurs et/ou de la production de certains pays et donc baisse relative du poids stratégique des pays du moyen-orient et de la Russie (d’autant plus que le gaz est largement substituable au pétrole, notamment dans l’industrie chimique de base ; à terme on peut aussi faire rouler beaucoup de véhicules directement au gaz ou en le transformant en carburant liquide). Ceci dit, l’Europe n’est pas, semble-t-il, la principale bénéficiaire directe de ces sources non conventionnelles mais pourrait l’être surtout indirectement (par une pression à la baisse sur les prix énergétiques).

2. Conséquences environnementales. Elles sont de trois ordres

  • les dégâts environnementaux « locaux » liés à l’exploitation de ces réserves (pollu­tions maritimes, pollutions de nappes phréatiques, fuites de sulfure d’hydrogène…)
  • les émissions de gaz à effet de serre liées aux fuites de méthane liées directement à l’exploitation du gaz de schiste ; quelques pour-cents de fuites suffisent à annihiler le bénéfice environnemental découlant de la substitution du méthane à des énergies fossiles plus « sales » dans les centrales électriques ou dans d’autres usages.
  • l’aggravation du réchauffement climatique découlant d’une croissance supplémentaire facilitée par une moindre contrainte énergétique.

3. Conséquences socioéconomiques. Elles sont elles aussi très nombreuses :

  • déplacement d’activités vers des pays jusqu’ici non producteurs (importants en tout cas) d’énergies fossiles ou rapatriement d’activités vers les pays qui ont d’abondantes ressources en gaz non conventionnel
  • modifications de la structure des inputs énergétiques de l’industrie chimique
  • développement de nouvelles activités ou développement d’activités existantes (matériels spécialisés, plate-formes d’exploitation, transports, turbines au gaz, etc.)
  • modification des prix relatifs (par rapport aux tendances de référence) à la fois entre inputs énergétiques mais aussi entre produits en fonction de leur contenu énergétique (par exemple les plastiques pourraient voir leur prix relatif diminuer)
  • modification des positions compétitives de divers vecteurs énergétiques ; c’est ainsi, par exemple, qu’aux Etats-Unis, l’Etat du Wyoming, principal producteur de charbon, s’inquiète sur le futur de sa production
  • modification des positions compétitives internationales (notablement entre les Etats-Unis et l’Europe, au détriment de celle-ci), en tout cas tant que d’éventuels investissements et changements dans les pratiques commerciales n’auront pas rapproché les niveaux de prix du gaz entre les grandes zones économiques ; ces modifications de positions compétitives concernent par exemple les positions relatives des Etats-Unis versus l’Europe pour l’industrie chimique et les pays pétroliers pour ce qui est de l’industrie de transfor­mation du pétrole
  • croissance économique plus forte que dans les scénarios de référence de moyen-long terme.

Et alors ?

Sans modification des politiques, ces évolutions ont, potentiellement, deux conséquences majeures :

  • un probable relâchement collectif et individuel par rapport à la question énergétique
  • une probable aggravation du rythme et de l’importance du réchauffement climatique qui découlerait de ce relâchement et d’autres évolutions socioéconomiques et environnemen­tales signalées ci-dessus.

Mais ce serait oublier un peu vite que tout indique que le réchauffement climatique serait plus rapide et ses conséquences plus marquées que ce que les modèles prévoient. D’autre part une énergie plus abondante et, globalement, moins coûteuse ne va pas supprimer d’autres externalités négatives (environnementales, sociales et humaines) liées à son usage, que du contraire même. Enfin, l’exploitation de ces sources non conventionnelles pourrait générer de nouvelles externalités négatives.

Voilà pour les risques.

Mais on peut aussi essayer de faire de la montée en puissance de ces énergies non conventionnelles une opportunité. En effet, un coût hors taxes en baisse rend d’autant plus intéressant un transfert de la fiscalité du travail vers l’énergie, avec des retombées positives sur l’emploi et le développement d’activités favorisées par une énergie plus chère. En tout état de cause, des différences de fiscalité devront être maintenues entre vecteurs énergétiques en fonction de critères environnementaux.

En attendant de voir comment évoluera la politique énergétique européenne, il serait souhaitable que se développe rapidement un débat public au niveau fédéral et régional. Avec trois objectifs au moins :

  1. préparer les prises de position de la Belgique aux Conseils des ministres européens concernés
  2. mieux évaluer les enjeux et conséquences pour la Belgique, notamment en matière de politique énergétique (en particulier si la fermeture de 2 réacteurs nucléaires devait être confirmée)
  3. déterminer les ressources locales et les enjeux environnementaux liés à l’exploitation de ces (éventuelles) ressources.

Le lecteur intéressé trouvera plus de développements dans la note jointe.

Combien y a-t-il de « Tanguy » en Belgique ?

mercredi, août 8th, 2012

Tout le monde a entendu parler des « Tanguy ». « Le phénomène Tanguy désigne un phénomène social selon lequel les jeunes adultes tardent à se séparer du domicile familial ou y reviennent après l’avoir précédemment quitté. Cette dénomination vient du film Tanguy, d’Étienne Chatiliez, dont le personnage éponyme s’enferme dans ce type de situation. »

La dernière note de l’Institut pour un Développement Durable vise à quantifier et commenter l’ampleur de ce phénomène en Belgique.
Cliquez ici pour la télécharger.