3 questions dont les réponses interrogent la redistribution des revenus

mai 8th, 2022

Cette Brève de l’IDD a pour objectif d’éclairer divers débats en matière de redistribution des revenus, au travers de trois questions :

  1. Quel est le niveau de salaire mensuel à partir duquel le taux marginal de taxation atteint 50% ?
  2. Combien un parent seul avec deux enfants doit-il gagner en travaillant comme salarié s’il souhaite atteindre un niveau de vie égal à celui d’une personne dans la même situation familiale mais dépendante du CPAS et bénéficiaire d’un logement social ?
  3. Quel est l’impact concret de l’effet de seuil en matière d’accès au tarif social électricité et gaz ?

1. Quel est le niveau de salaire mensuel à partir duquel le taux marginal de taxation atteint 50% ?

Le président du MR répète souvent qu’« Aujourd’hui, chez nous, quelqu’un qui gagne plus de 41.000 euros bruts par an de revenu est taxé à 50 %. »

Très concrètement, le taux marginal de 50% est d’application dès que le salaire atteint 3.918 € bruts/mois ; si on tient compte des 13ième mois et double pécule de vacances, ce salaire mensuel brut correspond à un salaire annuel brut de 54.538 €, soit 4.545 € bruts/mois (salaire égal à 2,5 fois le salaire minimum).

A ce niveau de salaire, le taux de taxation moyen (impôt final / revenu annuel brut) est de 28,4% pour un isolé, ce qui constitue un maximum à ce niveau de salaire ; il est par exemple de 24,3 % pour un parent seul avec deux enfants.

Certes, le taux de taxation marginal de 50% « impressionne » mais concerne quand même des contribuables déjà relativement aisés ; on peut aussi se demander si on n’arrive pas trop vite au taux marginal de 40% – un salarié payé strictement au salaire minimum (sans 13ième mois ni double pécule de vacances) a déjà une partie de son salaire taxée à 40% – et/ou au taux marginal de 45% auquel on arrive à un salaire de 2.327 € bruts/mois pour un temps plein, ce qui est un salaire du premier décile.

Plus récemment, le président du MR a réitéré une autre proposition, à savoir de porter la quotité exonérée d’impôt propre au contribuable à 12.000 € (9.270 € aujourd’hui). Faut-il rappeler que c’est une proposition qui ne profite pas ou moins aux salariés à petits revenus. Illustration : une maman seule avec deux enfants travaillant à 4/5ièmes pour un salaire mensuel brut de 1.760 €/mois (= 2.200 € pour un temps plein) ne gagnerait pas un seul euro avec cette réforme.

2. Combien un parent seul avec deux enfants doit-il gagner s’il souhaite atteindre un niveau de vie égal à celui d’une personne dans la même situation mais dépendante du CPAS et bénéficiaire d’un logement social ?

Précisons d’abord ce qu’on appelle ici niveau de vie : il s’agit des revenus monétaires, additionnés des revenus imputés découlant de l’accès à un logement social et du bénéfice du tarif social pour l’électricité et le gaz et déduction faite, pour la personne salariée, des dépenses liées à l’emploi (garde d’enfants et dépenses professionnelles) ; pour le logement, le revenu imputé est la différence entre un loyer sur le marché locatif et le loyer social ; pour l’énergie il s’agit de l’écart entre une facture « normale » et une facture au tarif social.

Si on considère des frais professionnels de l’ordre de 150 €/mois, la réponse à cette question est la suivante : environ 2.200 € bruts/mois pour un temps plein.

Attention : il n’y a donc pas de réponse absolue à cette question ; la réponse dépend en effet de la hauteur de la consommation d’énergie et de la localisation de l’exercice de comparaison puisque les revenus imputés dépendent des loyers et des tarifs de l’énergie proposés localement.

Certes, le parent seul salarié pourrait aussi avoir accès à un logement social (à un coût plus élevé cependant) ; le but de cet exercice de comparaison n’est donc pas de stigmatiser implicitement celui qui est bénéficiaire d’un logement social mais bien de confirmer toute l’importance de tenir compte des revenus imputés, à la fois dans l’analyse des écarts de niveaux de vie et des mesures politiques à prendre pour les modifier.

3. Quel est l’impact de l’effet de seuil en matière d’accès au tarif social électricité et gaz ?

L’exercice de simulation de l’IDD (on trouvera dans la note les hypothèses) montre qu’une maman seule perd le bénéfice du tarif social quand son salaire dépasse 2.300 € bruts/mois ; une fois ce seuil dépassé, son niveau de vie baisse de plus de 200 €/mois ; pour retrouver son niveau de vie qui était celui atteint avec un salaire de 2.300 €, il faudrait que le salaire passe à 2.900 € bruts/mois, soit une augmentation de 600 €/mois. Notons au passage que 2.900 €/mois c’est aussi, à quelques euros près, le seuil à partitr duquel il n’y a plus de bonus emploi/fiscal.

Le graphique suivant montre cela en détail.

D’autres catégories de personnes sont concernées par ce très important piège à l’emploi. Par exemple, un isolé au chômage perdra très vite le bénéfice du statut BIM et donc le tarif social s’il (re)trouve un job à temps plein.Même en supposant une maîtrise complète de tous les paramètres en cause, une personne qui souhaiterait faire de l’ingénierie sociale n’aurait pas facile parce qu’il n’est pas possible de prévoir avec précision ce qui peut se passer en cours d’année ; pourtant, il est incontestable que des ménages auraient un grand intérêt à demeurer en-dessous du seuil d’accès au statut BIM ; illustration : une personne dans la situation sus-mentionnée avec un salaire de 2.600 € bruts/mois gagnerait aujourd’hui environ 100 € de niveau de vie si son salaire était ramené à 2.300 € bruts/mois, du fait qu’elle récupère – à ce niveau de salaire – le tarif social ! En quelques mots, gagner plus pour gagner moins ou gagner moins pour gagner plus.

Est-il possible, dès lors que l’on souhaite cibler des aides (cette mesure ou d’autres), d’éviter l’effet de seuil ?

On peut d’abord l’atténuer en prévoyant un ou plusieurs seuils intermédiaires ; ce n’est pas l’idéal, mais évite en tout cas de passer de tout à rien. Le fait de prolonger l’accès à un droit permet aussi au ménage de se préparer, pour autant qu’il ait bien conscience de toutes les conséquences des changements qui vont s’opérer dans son niveau de vie.

Pour éviter totalement les effets de seuil, il faudrait passer par des interventions lissées qui modulent le revenu net, ce qui passe inévitablement par trois conditions non remplies aujourd’hui, mais qui peuvent constituer un horizon de réformes souhaitables :

  1. des crédits d’impôt intégralement et immédiatement remboursables
  2. une connaissance accélérée de l’évolution des revenus des ménages
  3. un lissage des barèmes fiscaux.

*                    *                    *

Trois compléments – à portée générale – pour conclure :

  • on oublie trop souvent que diverses analyses en lien avec les salaires, comme le repérage d’éventuels pièges à l’emploi, doivent en toute rigueur se faire sur base du salaire annuel divisé par 12 et non du salaire mensuel ; pour les nombreux salariés qui bénéficient d’un 13ième mois et d’un double pécule de vacances, le salaire annuel divisé par 12 est supérieur de 16% au salaire mensuel ;
  • les calculs faits pour alimenter cette note confirment la nécessité de mettre de l’ordre dans les mécanismes d’indexation et l’intérêt de les harmoniser ;
  • les interférences entre différentes législations sont nombreuses et, peut-on penser, plus vraiment maîtrisées ; c’est ainsi, par exemple, que l’amélioration du bonus emploi impacte à la hausse le brut imposable et donc, dans la zone critique, peut, par exemple, faire perdre le bénéfice du statut BIM.

*                    *                    *

Plus dans la note ici.

Philippe Defeyt

En 2019, 9% des salarié.e.s du secteur privé étaient indemnisé.e.s par une mutuelle

avril 7th, 2022

Il y a deux périodes d’absentéisme pour raisons de santé :

  • la période pendant laquelle c’est l’employeur qui assure le salaire
  • la période pendant laquelle c’est la mutuelle qui prend le relais pour verser une indemnité (dite d’incapacité primaire ou d’invalidité).

Cette note de l’IDD s’intéresse aux salarié.e.s du secteur privé indemnisées par une mutuelle tout en disposant d’un contrat de travail.

Les personnes absentes du travail considérées ici le sont pour une des raisons suivantes :

  • celles dont la rémunération est assurée par une mutuelle pour maximum un an, à savoir les personnes
    • en congé de maternité, d’adoption et de paternité
    • éloignées du travail
    • en incapacité primaire pour cause de maladie (après la période prise en charge par l’employeur)
  • celles en invalidité (plus d’un an de maladie).

Il y a plusieurs raisons pour s’intéresser à l’évolution du nombre de personnes « absentes »Â pour maladie (qu’elles soient ou non indemnisées par une mutuelle) :

  • l’impact sur les dépenses de la sécurité sociale
  • l’impact sur l’organisation du travail au quotidien
  • l’impact sur l’interprétation de diverses statistiques comme, par exemple, la productivité par tête ou le taux d’emploi.

Quelques conclusions majeures de cette Brève de l’IDD :

  • en 2019, en moyenne 114.000 salarié.e.s du secteur privé étaient en incapacité primaire et 129.000 en invalidité, soit au total 243.000 personnes (9% de l’ensemble des travailleurs)
  • leur nombre a augmenté de 116.000 personnes entre 2005 et 2019, soit une augmentation de 90%
  • la proportion de salarié.e.s du secteur privé en incapacité primaire ou en invalidité est passée d’environ 5% à 9% entre 2005 et 2019
  • la proportion de femmes concernées est systématiquement plus élevée que celle des hommes et elle augmente proportionnellement plus chez les femmes ; en 2019, plus de 11% des salariées du secteur privé étaient en incapacité primaire ou en invalidité
  • à moyen terme c’est surtout la proportion de personnes en invalidité qui a augmenté, ici aussi en particulier chez les femmes
  • si on considère les salariées de 50 ans et plus, la proportion d’absentes pour raisons de santé ou assimilées passe de 11% à 18% entre 2005 et 2019
  • c’est dans le secteur Santé et social que les taux d’incapacité et les taux d’invalidité sont les plus élevés
  • le secteur Santé et social représente en 2019 à lui seul plus de 25% des situations d’incapacité et d’invalidité, alors qu’il représente 16% de l’emploi.

Au total, les femmes sont plus concernées que les hommes (et pas seulement, très loin de là, pour cause de maternité), les personnes âgées plus que les jeunes et certains secteurs plus que d’autres. S’il fallait trouver une représentation en chair et en os de ces statistiques, ce serait une femme, âgée, travaillant dans le secteur Santé et social. La question des conditions de travail trouve ici une illustration éclairante.

Sur base d’hypothèses conservatrices, on peut estimer qu’environ 20% des emplois créés entre 2005 et 2019 l’ont été pour remplacer des travailleurs malades.

Tout indique que ce phénomène a pris de l’ampleur en 2020 et 2021, à la fois par la probable poursuite des tendances mises en évidence ici et par l’irruption de la pandémie. Une fois les données disponibles, il faudra être attentif à voir dans quelle mesure la nécessité de remplacer des travailleurs/travailleuses malades participe à la pénurie de main-d’œuvre dans certains secteurs.

Il faut ajouter aux absences considérées ici les absences de plus courte durée (de 7 jours maximum pour les ouvriers/ouvrières et de moins d’un mois pour les employé.e.s) ; une récente étude d’Acerta permet de cerner cette réalité et son évolution récente.

Plus dans la note ici.

Philippe Defeyt

Crise de l’énergie : ne répétons pas les erreurs des années 70

avril 5th, 2022

Six économistes ont publié le 5 avril 2022 une carte blanche intitulée : « Crise de l’énergie : ne répétons pas les erreurs des années 70 » (Le Soir, p.5).

Vous trouverez dans la note ici quelques commentaires sur leurs analyses et propositions.

Philippe Defeyt

Comparaison des factures des consommateurs sociaux (gaz naturel et mazout)

mars 16th, 2022

Les utilisateurs de mazout aidés par le Fonds chauffage sont discriminés par rapport aux bénéficiaires du tarif social gaz ; ils le sont encore après les mesures prises et le resteront au moins jusqu’à la fin de 2022.

Pour le gaz et le mazout il existe des mécanismes de réduction de la facture en faveur des ménages à petits revenus : il s’agit du tarif social pour le gaz (explications ici) et d’une intervention du Fonds chauffage pour le mazout (explications ici).

L’objectif de cette note est de comparer, pour un même niveau de consommation, les écarts entre les factures des consommateurs sociaux en fonction du combustible utilisé.

Deux résultats majeurs (les résultats complets sont donnés ici) :

  • sur la période janvier 2015 – février 2022, la facture pour le mazout est, pour un même niveau de consommation, systématiquement supérieure à celle du gaz naturel, à l’exception d’une partie de l’année 2016 ; ce sera encore le cas au moins jusqu’à la fin de l’année ;
  • les écarts augmentent depuis la mi-2021 ; l’écart est en février 2022 de 291 €/an pour un tout petit consommateur (10.000 kWh par an), de 635 €/an pour une consommation de 20.000 kWh ; tout indique que ces écarts resteront élevés en 2022, de l’ordre de ceux observés en début d’année.

Quatre conclusions de portée politique :

  • la discrimination, croissante, entre les consommateurs de gaz naturel et de mazout en bas de l’échelle des revenus est injustifiable ; une fois de plus c’est là le résultat de ce qu’on n’a pas adapté une mesure mise en place dans un contexte donné alors que l’environnement socio-économique a évolué ; il ne saurait en être autrement quand on n’a pas une vision globale, cohérente et dans la durée de la politique énergétique ;
  • les mesures prises ont réduit les écarts pour la période courante mais il s’agit d’un one-shot ; ces écarts sont appelés à rester élevés dans les mois qui viennent ;
  • une fois de plus un ciblage et une cohérence s’imposaient, puisque pour les consommateurs « normaux », le prix du gaz est – pour un même niveau de consommation – plus élevé que le prix du mazout ; les mesures prises pour les consommateurs « normaux » aboutissent à donner plus à ceux qui paient moins cher ! ;
  • la discrimination dénoncée ici concerne proportionnellement beaucoup plus la Wallonie puisque les utilisateurs de mazout y sont sur-représentés par rapport aux deux autres régions, comme le montre le tableau suivant.

Prendre des mesures pour garantir structurellement une équité de traitement entre les utilisateurs de gaz naturel et de mazout en bas de l’échelle des revenus apparaît donc être indispensable ; une solution simple – on se demande pour quoi on y a pas pensé – réside dans une adaptation dynamique des ristournes du Fonds chauffage. 

Plus de développements dans la note jointe.

Philippe Defeyt.

Les prix des consommations énergétiques des ménages : une perspective de long terme

février 21st, 2022

Cette analyse de l’Institut pour un Développement Durable vise à mettre en perspective les évolutions de long terme des prix des consommations énergétiques des ménages.

Avec l’aide précieuse de StatBel, l’IDD a réussi à reconstituer

  • quatre séries de prix à partir de 1920 : charbon, électricité, gaz et indice des prix à la consommation (IPC)
  • deux séries de prix à partir de 1970 : carburants routiers et mazout de chauffage
  • l’évolution du revenu disponible moyen (à prix courants) à partir de 1950

et à estimer l’évolution des poids respectifs des consommations énergétiques pour la période 1970-2022.

C’est la période 1970-2022 qui permet l’analyse la plus dense, puisqu’on dispose de toutes les informations utiles. Voici quelques évolutions essentielles :

Le graphique ci-après montre que, tout au long de la période 1970 et 2022 (janvier), l’évolution de moyenne des prix énergétiques relativement à l’évolution du revenu disponible s’est toujours située en-dessous du niveau de 1970, à l’exception du début des années 1980. Le minimum se situe en 1995 (environ à mi-chemin du parcours) ; depuis lors les prix énergétiques évoluent – en moyenne – tendanciellement plus vite que le revenu disponible ; en 2022 le niveau est encore quelque peu inférieur à la référence de 1970 (indice 96 versus indice 100).

On peut présenter les choses autrement, en calculant l’évolution du pouvoir d’achat énergétique. Le graphique ci-après montre que, tout au long de la période 1970-2022, le pouvoir d’achat énergétique a été supérieur à celui de 1970, à l’exception du gaz en 1982-1985 et en 2022 et, plus faiblement, des carburants routiers au début des années 80 et en 2012. Par exemple, en 2007, un revenu moyen permettait de dépenser 2,6 fois plus pour l’électricité qu’en 1970 ; depuis lors le pouvoir d’achat électrique est en net recul. Le pouvoir d’achat du gaz est au début de 2022 en retrait par rapport à 1970.

La note (disponible ici) examine plus avant les évolutions absolues et relatives des prix énergétiques, y compris, là où c’est possible, pour la période 1920-2022. NB : La note est une version corrigée – les corrections sont surlignées en magenta.

J’ai bien conscience qu’il s’agit d’une première étape ; cette analyse ouvre la porte à d’autres questionnements : quel est la part de la dynamique des prix attribuable aux évolutions de la fiscalité et d’autres prélèvements, comment ces évolutions des prix ont-elles joué dans les comportements de consommation, etc., etc. ?

*                     *                     *

Ce travail a-t-il du sens ? Modestement, je pense que oui.

Il y a d’abord un intérêt scientifique. Ce genre de travaux peut intéresser, par exemple, des historiens ; mais il peut aussi éclairer les économistes : les évolutions relatives des prix énergétiques sont étroitement articulées à la dynamique de la croissance économique.

Il y a deux préoccupations plus immédiates éclairées par cette analyse :

  1. La nécessité d’adapter les mécanismes d’aides à chaque type d’énergie, afin d’assurer une équité entre ménages ; en matière de chauffage en particulier, on voit bien que les prix du mazout (qui est souvent un choix par défaut) et du gaz n’évoluent pas de la même manière.
  2. L’indispensable réflexion sur l’évolution des prix après la probable décrue des tensions ; un scénario comme dans la seconde moitié des années 1980 – on a laissé filer les prix – ou un choix de prix élevés pour construire une transition énergétique à la hauteur des enjeux climatiques ? Permettez-moi de penser, aujourd’hui en tout cas, que la première option est la plus probable.

Le lecteur intéressé pourra accéder à la banque de données ici.

Philippe Defeyt

 

Le développement durable, un objectif monétaire ?

février 11th, 2022

L’Institut pour un Développement Durable a le plaisir de publier une réflexion sur une question qui fait l’objet de vifs débats et de nombreuses expérimentations ou propositions : construire un cadre monétaire compatible avec un développement durable.

Jézabel Couppey-Soubeyran et Pierre Delandre nous livrent ici, dans un langage accessible, une analyse historique des évolutions monétaires qui intègre des phénomènes récents comme la crise financière de 2008, l’élargissement quantitatif, les cryptomonnaies ou les monnaies locales.

Leur réflexion débouche sur la conclusion que « notre architecture monétaire actuelle nous retient dans l’évolution de notre civilisation, alors qu’elle pourrait être au contraire un puissant levier de changement » dans le sens du développement durable.

La réflexion qu’ils proposent, stimulante, se conclut par la proposition de la monnaie-don ou monnaie volontaire, complémentairement à la monnaie bancaire classique.

Voir la note ici.

Verdissement de la politique agricole : opposer la viabilité économique et la durabilité environnementale passe à côté du débat principal

février 7th, 2022

L’Institut pour un Développement Durable a le plaisir de publier une réflexion d’Olivier Lefebvre sur le verdissement de la politique agricole.

L’opposition apparaît frontale entre viabilité économique et préservation de l’environnement. Les échanges sont durs, chargés d’émotions bien compréhensibles entre ceux qui défendent la planète pour le bien de leurs enfants, et ceux qui se débattent au quotidien pour se maintenir à flot.

Toutefois en y regardant de plus près, il semble qu’opposer la viabilité économique et la durabilité environnementale passe à côté du débat principal. Dire qu’il faut changer la politique agricole pour la verdir, n’est que partiellement vrai. Il faut la changer parce qu’elle est globalement dans une impasse.

Plutôt que d’opposer économie et environnement, de manière assez stérile et en partie non fondée, il y aurait lieu de construire ensemble une véritable vision stratégique à l’échelle de la Région dans le contexte européen en évolution, en vue d’une agriculture durable et résiliente dans ses aspects économiques, sociaux, environnementaux et alimentaires.

Seule une approche holistique de la fourche à la fourchette, peut produire une telle vision qui soit à la fois robuste et inclusive. Il s’agit d’un changement de paradigme au moins aussi important que celui qui a fait passer l’agriculture paysanne à la révolution verte au milieu du 20ième siècle. Ce changement de paradigme à l’échelle des fermes, mais aussi des filières de transformation et de commercialisation, du développement des circuits courts… va demander un accompagnement important des acteurs, et, à l’instar d’autres secteurs, une réorientation majeure des investissements et des qualifications.

Voir la note ici.

L’insuffisante protection du pouvoir d’achat des salariés

janvier 27th, 2022

Garantir l’indexation des salaires bruts est une bonne chose ; mais le débat public devrait s’intéresser un peu plus à l’indexation des salaires nets, dans la mesure où, en cours d’année, les salaires nets augmentent moins que les salaires bruts ; c’est en quelque sorte une « taxe d’inflation ». C’est la raison pour laquelle il est proposé d’harmoniser les modalités d’indexation des salaires et des barèmes fiscaux.

Cette note de l’IDD se penche sur l’évolution du pouvoir d’achat dans le monde réel.

Hors augmentation salariale, l’évolution du pouvoir d’achat dans le monde réel dépend de beaucoup de paramètres : dynamique d’évolution des prix entre deux indexations, écart entre l’évolution de l’indice-santé lissé qui gère les indexations et celle de l’indice des prix à la consommation, dates et modalités d’indexation du salaire brut, adaptation des montants et seuils de l’IPP (précompte professionnel) au début de chaque année ; en outre, les temporalités ne sont pas les mêmes ; en bref : la cohérence n’est pas au rendez-vous.

Sur base de situations concrètes étudiées par l’IDD, on peut conclure que, toutes choses égales par ailleurs,

  • le pouvoir d’achat est érodé en cours d’année en cas d’indexation du salaire brut parce que le barème fiscal n’est indexé qu’une fois l’an ;
  • la hauteur de l’impact négatif de la non indexation du barème fiscal en cours d’année est différent d’une convention collective à l’autre (en fonction des modalités d’indexation et du nombre d’indexations en cours d’année) ;
  • le taux d’indexation appliqué aux montants et seuils fiscaux ne correspond pas nécessairement à l’évolution nominale des salaires en cours d’année, qui est propre à chaque convention collective ;
  • en tout état de cause, entre deux indexations, le pouvoir d’achat est réduit à due concurrence de l’évolution des prix.  

Tenant compte de l’analyse, la meilleure formule serait une harmonisation des modalités d’indexation des salaires et des barèmes fiscaux.

Concrètement, la proposition serait d’indexer les salaires et les barèmes fiscaux chaque semestre, sur base de la même référence, permettant ainsi de limiter l’érosion du niveau de vie ; dans la foulée, le barème fiscal appliqué lors de l’enrôlement serait la moyenne des deux derniers barèmes semestriels.

Une telle proposition rend les choses simples, cohérentes et rapproche les temporalités de toutes les indexations. Dans la foulée, ce mécanisme pourrait servir à l’indexation de diverses dépenses publiques, comme par exemple les subsides régionaux aux secteurs sociaux, les transferts du fédéral vers les régions et communautés, les bourses d’études, etc., etc., mais aussi, bien sûr, des prestations sociales.

Certes, on pourrait penser que tout ceci n’est pas nécessaire, dès lors qu’à terme les différentes indexations sont supposées converger ; outre que ce n’est pas nécessairement garanti, ce qui est le plus important c’est l’évolution du salaire net en cours d’année.

Plus dans la note disponible ici.

Philippe Defeyt

Une mise en perspective des tarifs sociaux – 2015-2022

janvier 16th, 2022

Cette note de l’IDD vise à mettre en perspective les évolutions des tarifs sociaux pour l’électricité et le gaz sur la période 2015-2022.

Depuis 2015, les tarifs sociaux – voir graphiques ci-dessous – ont augmenté moins que les prix de l’électricité et du gaz tels que calculés dans l’indice des prix à la consommation (IPC). Mais, en début d’année 2022, on constate que le niveau du tarif social électrique a augmenté de 58% depuis 2015 tandis que le prix du gaz social, pourtant orienté à la hausse depuis fin 2020, est toujours inférieur à la moyenne de 2015.


Mais, in fine, c’est l’évolution du pouvoir d’achat énergétique (combien d’énergie puis-je acheter avec mon revenu ?) qui compte.

Si on pondère les évolutions des tarifs sociaux de l’électricité et du gaz par respectivement les évolutions d’un bas salaire (ici le salaire net correspondant à un salaire brut de 2.000 €/mois) et celles du revenu d’intégration, voici deux observations majeures :

  • l’électricité – au tarif social – est en ce début d’année proportionnellement 21% plus chère pour le bénéficiaire d’un revenu d’intégration qu’en 2015 et 29% plus chère pour un bas salaire ; par rapport au 3ième trimestre 2020, trimestre pendant lequel les prix relatifs sont au plus bas, la hausse est de 37% pour un bénéficiaire du RIS et de 47% pour un bas salaire ;
  • le prix relatif du gaz – au tarif social – est, en ce début de 2022, inférieur d’environ 40% à celui de 2015 ; par rapport au 3ème trimestre 2020, trimestre pendant lequel les prix relatifs sont au plus bas, la hausse est vertigineuse : +71% pour un bénéficiaire du RIS et +84% pour un bas salaire ; c’est évidemment – et c’est compréhensible – cette dernière hausse qui alimente le ressenti.

Sous l’hypothèse (de travail) d’un passage de la TVA à 6%, pour un bénéficiaire du RIS, le tarif social relatif

  • de l’électricité serait début 2022 encore 20% plus cher que celui du 3ème trimestre 2020, période où les prix relatifs sont au plus bas, et 12% plus cher qu’au début 2015 ; en termes relatifs, le prix de l’électricité social reviendrait à son niveau du second trimestre 2020 ;
  • du gaz serait début 2022 encore 50% plus cher que celui du 3ème trimestre 2020, période où les prix relatifs sont au plus bas, mais toujours moins cher qu’au début 2015.

Aux décideurs maintenant de se saisir des résultats de ce genre d’analyses pour calibrer au mieux une réponse socialement efficace et budgétairement efficiente. Mais il est évident que les réponses ne peuvent être identiques pour le gaz et pour l’électricité et que les impacts des hausses varient en fonction de la hauteur des revenus ; il faudra aussi tenir compte de ce que les tarifs sociaux sont appelés à augmenter encore d’ici la mi-2022 au moins, et plus que les bas revenus.

Plus dans la note ici. Les données sont accessibles ici.

A votre disposition.

Philippe Defeyt

Hausse des prix : un peu de recul permet de mettre en perspective certaines évolutions récentes

septembre 29th, 2021

L’inquiétude quant à l’évolution des prix – énergétiques et autres – semble monter, au point d’arriver à des commentaires exagérés, notamment sur les prix des carburants routiers.

Pour éclairer le débat, l’IDD propose 4 graphiques.

NB : A l’exception du PIB par tête, les données pour 2021 sont celles de septembre.

1. Le premier graphique rappelle les taux d’inflation depuis 1970.

L’inflation actuellement enregistrée est très loin des « records » établis lors et à la suite des chocs pétroliers de la première moitié des années 70 et au début des années 1980.

2. Le second graphique compare les évolutions respectives du PIB par tête (à prix courants) et les prix des carburants routiers depuis 1970. On constate que

– sur le long terme le le PIB par tête (à prix courants) a augmenté beaucoup plus que les prix des carburants routiers

– les prix des carburants routiers sont en septembre revenus à leur niveau de 2012 (maximum historique).

3. Le 3ième graphique mesure l’évolution du rapport entre le PIB par tête et les prix des carburants routiers. Quand la courbe augmente cela signifie que les carburants deviennent relativement meilleur marché ; c’est l’inverse quand la courbe recule, ce qui est tendanciellement le cas depuis 2016. Néanmoins, une unité de PIB permet toujours d’acheter plus de carburants qu’en 1970 ou qu’en 2012. En tout état de cause la hausse récente des prix des carburants routiers n’a rien de comparable au choc énergétique du début des années 1980.

4. Le 4ième graphique fait le même genre de comparaison pour la période 2006-2021 pour le gaz et l’électricité. Si le prix relatif (versus le PIB par tête) du gaz est revenu à son niveau de 2006, on constate par contre une dégradation tendancielle pour ce qui est du prix de l’électricité. Celle-ci a été très marquée entre 2014 et 2016.

Philippe Defeyt